l’Envers et l’Endroit
( de 1935 à 1937 )
L'IRONIE
(L'ironie du SORT)
Trois personnages
I - Une femme qu'on abandonne pour aller au cinéma
Ce sont ses enfants qui l'abandonnent, mais un jeune homme s'intéressait à elle.
« Et cet intérêt était une aubaine inespérée pour la malade.
Elle disait ses peines avec animation.
Si elle s'ennuyait, cela était sûr. On ne lui parlait pas. Elle était dans son
coin comme un chien. Il valait mieux en finir. Parce qu'elle aimait mieux
mourir que d'être à la charge de quelqu'un.....
Sa voix était devenue querelleuse. C'était une voix de marché, de
marchandage ...... »
« Le jeune homme écoutait tout cela avec une immense peine inconnue. »
Cette comédie dissimule le désespoir, le vide. Mais c'est à elle-même qu'elle le dissimule.
« Une seconde durant, le jeune homme eut une haine féroce pour cette vieille et pensa la gifler à toute volée. »
II - Un vieil homme qu'on n'écoute plus
« Malgré ses efforts et ses mensonges pour rendre son récit plus
attrayant, les jeunes étaient partis.
N'être plus écouté quand on est vieux, c'est cela qui est terrible
On le condamnait au silence et à la solitude. On lui signifiait
qu'il allait bientôt mourir. »
« Il découvre ceci que demain sera semblable et après demain, tous
les autres jours. Et cette irrémédiable découverte l'écrase ...... »
« Mais sa fin sera une digne fin, sanglotante, admirable. Il mourra en beauté, je veux dire : en souffrant. Cela lui fera une consolation. »
III - Une vieille femme, qui jouait la comédie à ses enfants, mais elle finit par mourir....de maladie.
« Le plus jeune des deux enfants s'entêtait à ne voir là qu'une comédie....
( Mais ) à jouer la maladie, on finit par la ressentir...
La grand-mère poussa la simulation jusqu'à la mort. »
« Tu vois, dit-elle, je pète comme un petit cochon. Et elle mourut une heure après »
Son petit-fils, s'il s'interrogeait sur la peine qu'il en avait, n'en décelait aucune. Le jour de l'enterrement seulement, à cause de l'explosion générale de larmes, il pleura.
CONCLUSION
« Tout cela ne se concilie pas ? La belle vérité.
Une femme qu'on a abandonnée pour aller au cinéma
Un vieil homme qu'on n'écoute plus, une mort qui ne rachète rien
Et puis ? de l'autre côté, toute la lumière du monde. »
Entre oui et non
Dans un café maure,
« Je ramène vers moi du fond de l'oubli, le souvenir intact
d'une pure émotion, d'un instant perdu dans l'éternité.
Cela est vrai en moi et je le sais toujours trop tard. »
" Etrange sentiment"
« Le monde soupire vers moi dans un rythme long et m'apporte
l'indifférence et la tranquillité de ce qui ne meurt pas. »
le souvenir intact
« Je pense à un enfant qui vivait dans un quartier pauvre. »
CONCLUSION
« Jusqu'où ira cette nuit où je ne m'appartiens plus ?
Il y a une vertu dangereuse dans le mot simplicité
Et cette nuit, je comprends qu'on puisse vouloir mourir
Parce qu'au regard d'une certaine transparence de la vie,
Plus rien n'a d'importance. »
« Ainsi, chaque fois qu'il m'a semblé éprouver le sens
profond du monde, c'est sa simplicité qui m'a
toujours bouleversé.
Ma mère, ce soir et son étrange indifférence. »
« A un certain degré de dénuement, plus rien ne conduit
à plus rien, ni l'espoir ni le désespoir ne paraissent fondés »
« Ce sont les hommes qui compliquent les choses
Qu'on ne nous raconte pas d'histoires.
Qu'on ne nous dise pas du condamné à mort :
"Il va payer sa dette à la Société", mais :" on va lui couper le coup" »
« Ca n'a l'air de rien. Mais ça fait une petite différence
Et puis, il y a des gens qui préfèrent regarder leur destin
dans les yeux. »
La mort dans l'âme
et
amour de vivre
(1) Le voyage "à Prague" : l'étrangeté.
Mort dans
l’âme « A l'heure où le soleil déclinait, mon pas solitaire faisait résonner les rues. Et, m'en aperçevant, la panique me reprenait. Aussitôt sorti, j'étais un étranger.
Voici que le rideau des habitudes, le tissage confortable des gestes
et des paroles se révèle lentement et dévoile la face blême de
l'inquiétude ......
L'homme est face à face avec lui-même. C'est par là que le voyage
illumine. Un grand désaccord se fait entre lui et les choses. »
« Projeté tout au bout de moi-même, je me disais : - Qu'est-ce que ça signifie ? »
Amour «Ce qui fait le prix de voyage, c'est la peur.Il brûle en nous une sorte
de de décor intérieur. Il n'est plus possible de tricher, de se masquer
vivre derrière des heures de bureau et de chantier ( ces heures contre
lesquelles nous protestons si fort et qui nous défendent si sûrement contre la souffrance d'être seuls.) »
« J'ai toujours envie d'écrire un roman où mon héros dirait "Ma femme est morte, mais par bonheur, j'ai un gros paquet d'expéditions à rédiger pour demain.....»
(2) Le soleil
Mort « Je n'ai pas encore parlé du soleil. -
dans
l'âme « De même que j'ai mis longtemps à comprendre mon attachement
et mon amour pour le monde de pauvreté où s'est passé mon enfance
c'est maintenant seulement que j'entrevois la leçon du soleil et des
pays qui m'ont vu naître. »
Amour « Un beau soleil doré chauffait doucement les pierres jaunes du cloître.
de Une femme puisait de l'eau au puits. Dans une heure, une minute,
vivre une seconde, maintenant peut-être, tout pouvait crouler.
Et pourtant le miracle se poursuivait. Le monde durait pudique,
ironique et discret..... Un équilibre se poursuivait coloré pourtant de
l'appréhension de sa propre fin......
Sans être dupe, je me prêtais aux apparences. »
« Ce qui me frappait alors ( dans ces pays de la Méditerranée )
Ce n'était pas un monde fait à la mesure de l'homme, - mais qui
se refermait sur l'homme.
Si le langage de ces pays s'accordait à ce qui résonnait profondément en moi, ce n'est pas parce qu'il répondait à mes questions mais parce qu'il les rendait inutiles. »
Mort
dans l’âme « Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre »