Littérature XVI XVII

 

 

 

 

INTRODUCTION HISTORIQUE

à la littérature

du XVIème au XVIIème siècle

 

 

 

 

 

Introduction au XVI° siècle

 

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Commentaire des « Essais » de Montaigne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ière PARTIE : Le sens de l’évolution historique.

 

Le XVI° siècle est dans tous les domaines un siècle de rupture ou s’accentue brusquement la désagrégation du mode de production féodale conduisant à la formation de l’unité nationale en même temps qu’à la constitution d’un État monarchique.

 

I. La première moitié du siècle : l’évolution économique et la tendance à la formation d’un marché national.

 

a. Les grandes découvertes de la fin du XV° et du début du VI jouent un rôle prépondérant dans cette évolution :

- 1492 : C. Colomb découvre l’Amérique

-1497-1499 : Vasco de Gama contourne l’Afrique vers l’extrême Orient

-1519-1522 : Magellan accomplit le premier tour du monde

 

La France profite de ces découvertes par le développement de son commerce non seulement pour des raisons géographiques ( ouverture sur trois mers )mais à cause de la richesse relative de son économie agricole et industrielle et principalement en raison de l’existence d’une bourgeoisie déjà active, dont nous avons vu la formation au siècle précédent : développement des ports de Dieppe, St Malo, Nantes, la Rochelle, Bordeaux.

 

b. Conséquences :

 

- Ce commerce international entraîne un progrès des échanges et une production accrue à l’intérieur du royaume qui concourt à la fissuration des rapports féodaux. 

- Cette évolution économique entraîne le développement et l’enrichissement de la bourgeoisie ( commerçants, négociants ).

- Un bouleversement monétaire accentue le phénomène de désagrégation des rapports féodaux et d’enrichisse »ment de la bourgeoisie : afflux d’or et d’argent découvert en Amérique, obtenu à bas prix ( pillage, travail des esclaves ).

 

c. Conclusion :

 

Au plan économique cette période peut être considérée à bon droit, selon l’expression de Marx, comme celle de « l’accumulation primitive », c’est à dire l’accumulation entre les mains d’une classe sociale, la bourgeoisie, d’une richesse qui va permettre a terme l’instauration de rapports capitalistes en concentrant dans les mains de cette classe les moyens de production.

 

II. Les classes sociales

 

L’afflux d’or et d’argent entraîne une hausse générale des prix qui aggrave la situation des trois groupes sociaux qui constituaient la société féodale, pendant que se développe une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie.

 

Les trois groupes sociaux :

 

a. La noblesse voit s’accroître la disproportion entre ses revenus ( issus de l’exploitation des paysans ) et ses dépenses qui croissent en même temps que l’évolution de la richesse sociale.

La propriété féodale, fondée sur l’exploitation du travail agricole se trouve ébranlée. Cette situation incline les féodaux à se tourner vers le Roi pour compenser la dégradation de sa situation.

 

b. Les masses paysannes voient leur misère s’accroître en raison de la pression fiscale exercée par l’État monarchique et les féodaux : le montant de la taille est multiplié par trente en dix ans alors que le paysans ne peut augmenter sensiblement sa production.

Conséquence : la petite exploitation paysanne se désagrège.

 

c. Les artisans, pourtant protégés par le système des corporations, subissent l’augmentation des matières premières et l’évolution du coût de la vie.

Jusque là indépendants ils tombent sous la domination des marchants intermédiaires.

 

La bourgeoisie :

 

Dans une région donnée les marchands s‘emparent de la production : il fournissent aux artisans des faubourgs et des campagnes à la fois leurs outils et leur matière première ; et ils vendent, à leurs prix, les produits ainsi fabriqués, tirant toute la plus-value du travail des artisans.

Telle est la première forme de l’exploitation capitaliste qu’on appelle « la manufacture dispersée », -étant entendu que, comme l’explique Marx, la production capitaliste ne commence en fait à s’établir qu là où un seul maître exploite beaucoup de salariés à la fois, là où le procès de travail est exécuté sur

une grande échelle.

Conclusion : la bourgeoisie française est une classe en pleine ascension qui accumule de grosses sommes d’argent, mais dont les principales formes d’enrichissement viennent non pas de la production mais de la circulation des marchandises ( commerce ) et du crédit ( usure ).

 

III. Victoire de la monarchie centralisée

 

Le développement des liens bourgeois entraîne de nouveaux progrès de la centralisation politique. La monarchie se renforce sous les règne de François Ier ( 1515-1547 ) et Henri II ( 1547-1559 ) :

Création des « généralités », circonscriptions nouvelles qui se superposent aux divisons féodales.

- Emploi obligatoire du français dans les documents officiels

- Clergé sous l’autorité directe du roi qui nomme aux hautes charges ecclésiastiques.

 

Une guerre de 1521 à 1559 contre « la Maison d’Autriche » ( famille des Hasbourg ), qui veut étendre sa domination à l’Europe occidentale où les français remportent de nombreuses victoires, témoigne déjà d’une conscience nationale.

 

IV. La deuxième moitié du siècle

 

La royauté dont l’Église catholique sanctionne par le sacre le caractère divin, -s’il est vrai qu’elle profite du développement de la bourgeoisie pour étendre le pouvoir monarchique sur les féodaux, ne peut accepter que ce développement mette en cause le mode de production féodal sur lequel repose sa souveraineté et son autorité.

La lutte de la bourgeoisie, qui, si elle veut poursuivre son développement, doit mettre en cause le système féodal, prend une forme religieuse : elle s’attaque à l’Église catholique qui se présente comme la consécration de la royauté et du système. C’est le grand mouvement de la Réforme initié par la doctrine de Calvin qui oppose à l’Église catholique des croyances une Église mieux adaptée au monde nouveau qui se forme.

La doctrine de Calvin fait reposer la morale sur la réflexion personnelle du chrétien : c’est à l’individu et non à la hiérarchie qu’elle remet le soin de juger ses propres actes. Elle répond ainsi au souci de la bourgeoisie de se rendre maîtresse de son développement et propose aux individus l’organisation d’une Église « démocratique ».

Le point primordial du dogme des calvinistes, la prédestination, -doctrine selon laquelle les individus sont d’avance élus ou réprouvés par Dieu-, vient justifier le fait que ceux qui réussissent dans le monde commercial ( loin de pouvoir être condamnés pour quelques raisons morales ) sont pour ainsi dire élus.

C’est ici déjà l’expression religieuse du fait que dans le monde de la concurrence, la réussite ou l’échec sont soumis à ce que l’on appelle aujourd’hui la loi du marché. Le sociologue Max Weber a pu ainsi montrer le rôle ( idéologique ) décisif joué par le protestantisme dans le développement du capitalisme.

On comprend dès lors pourquoi la bourgeoisie se rallie en masse à la doctrine de Calvin.

On comprend également pourquoi le coup d’arrêt, que la royauté veut mettre aux ambitions de la bourgeoisie, se traduit par une lutte contre le protestantisme : dès le règne de François Ier, potences et bûchers sont dressés contre les calvinistes et tous les non-catholiques. En 1557 un édit décrète la peine de mort contre les hérétiques.

Cette réaction de la royauté se transforme en une véritable guerre de religion de la façon suivante :

- La noblesse, après 1560, utilise le conflit religieux pour essayer de reconquérir contre l’État monarchique ses privilèges : des cliques féodales se rallient au protestantisme, et transforment leurs domaines en foyers de résistance.

En face de ces féodaux, ralliés au protestantisme, les « Guises » montent un puissant parti catholique, « la Sainte Ligue » qui prône le retour au morcellement féodal.

- De son côté le peuple, souvent, notamment dans les pays du Sud de la France, région encore mal assimilée, se joint au protestantisme pour lutter contre l’État monarchique et ses impôts.

C’est ainsi que la France est divisée en zones ennemies ; le pays est dévasté. Aux ruines matérielles s’ajoutent les assassinats et les massacres collectifs dont le plus connu est celui des protestants à Paris : la nuit de la Saint Barthélemy.

Le grand poète protestant Agrippa D’Aubigné compose une véritable épopée de la France dévastée dans « Les Tragiques » :

O France désolée… O terre sanguinaire

Non pas terre, mais cendres…

 

Conclusion :

A la fin du XVI°siècle,

- Huit nobles sur dix sont ruinés : ils ont dû vendre partiellement ou hypothéquer leur terres.

- Les masses populaires, écrasées par les impôts, privées de leur métier par la ruine des villes ou par le saccage de leurs champs sont réduites à la plus extrême misère. A la fin du siècle des Jacqueries éclatent, tels les Gautiers de Normandie ou les Croquants du Périgord.

C’est Henri IV qui par l’édit de Nantes met fin aux guerres de religion.

 

Le catholicisme, pilier de la société féodale, reste la religion principale : la noblesse garde sa position de classe dominante dans la société. L’échec des tentatives révolutionnaires de la bourgeoisie est ainsi consommé. Mais l’hérésie protestante est reconnue et tolérée ; ainsi se marque la montée irrésistible de la bourgeoisie. C’est précisément sur cette situation sociale, sur cette sorte d’équilibre momentané entre noblesse et bourgeoisie, qui va, au XVII°siècle, s’ériger, dans toute sa perfection, l’absolutisme.

IIème PARTIE : Le mouvement idéologique

 

La lutte de la bourgeoisie pour son développement doit se dérouler sur le plan idéologique :

a. Elle doit s’attaquer à l’enveloppe religieuse qui protège et consacre l’ordre établi.

b. Elle doit célébrer une nouvelle idée de l’homme contre tout ce qui asservit la personnalité humaine, promouvoir contre l’obscurantisme et le dogmatisme de l’Église et de la société féodale une nouvelle conception de la vie, conquérante, progressive, où se reflète l’espérance de son avenir.

 

C’est le grand mouvement de la Renaissance.

 

a. Contre l’obscurantisme et le dogmatisme du Moyen-Age, les hommes de la Renaissance cherchent modèles et armes dans l’étude de la culture antique ; ils y trouvent une conception plus humaine de la vie et de l’homme. Ils ressuscitent cette culture mutilée, vidée de son contenu par l’Église : c’est la chasse aux manuscrits, que les imprimeurs éditent avec un soin remarquable ; des érudits tel, Guillaume Budé, rétablissent et interprètent les textes anciens. A son instigation François Ier vers 1530 crée le Collège de France, véritable citadelle de l’enseignement humaniste face à la vieille Sorbonne : on y apprend le latin le grec, l’hébreu, la philosophie, mais aussi les mathématiques, la géographie et la médecine.

 

b. Les penseurs de la Renaissance opposent à l’esprit d’autorité et de soumission l’esprit de recherche. Une vraie fringale de connaissance s’empare des chercheurs qui s’efforcent d’être des savants universels : Bernard Palissy, à la fois céramiste, chimiste, géologue, naturaliste.

Rabelais va exprimer totalement cette fièvre de la Renaissance :

- Il fustige les féodaux ( Picrochole et son entourage ) les gens d’Église, les sorbonnagres, tel maître Janotus de Bragmardo, qui fait discuter ses élèves de « l’ombre d’un âne couillard » ou « la fumée des lanternes ».

- Il assigne à son géant Gargantua un programme de connaissance sans limite, une éducation qui doit faire de l’homme un géant.

- Enfin, il exalte l’amour de la vie, célébrant la « Dive bouteille », imaginant avec l’abbaye de Thélème une communauté d’hommes joyeux et libres.

 

 

 

 

 

 

Conclusion :

 

Cet humanisme conquérant de la Renaissance, qui trouve son expression dans l’œuvre de Rabelais et où s’exprime l’optimisme de la Bourgeoisie, va faire place dans la seconde partie du siècle à la réflexion philosophique de Montaigne : un art de vivre où se reflète déjà l’autre face de cet humanisme de la bourgeosie : l’individualisme dont elle est porteuse.

 

 

 

 

Le XVII°siècle

 

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Introduction historique 

 

 

Le XVII° siècle est le siècle où l’appareil d’Etat monarchique atteint sa perfection. Une bureaucratie nombreuse remplit des fonctions toujours plus complexes : Richelieu, « principal ministre » de 1624 à 1642, fait progresser l’organisation policière ; l’armée permanente se renforce sans cesse : les réformes de Louvois (ministre de 1677 à 1691) la portent à près de 300.000 hommes. Par-dessus les divisions féodales, multiples et enchevêtrées, l’autorité royale est de plus en plus régulièrement représentée, dans chaque généralité, par « un intendant de justice, police et finances », véritable « roi présent en la province ». La centralisation monarchique atteint ainsi son plus haut degré.

Cette politique du pouvoir royal qui aboutit en même temps à l’instauration d’une monarchie absolue et à la formation d’une Nation française n’est possible qu’en raison des mutations économiques que nous avons observées au XVI°siècle, aboutissant à la formation et au développement d’une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie.

 

 

A. Les transformations historiques

 

 

1. Le pouvoir royal et le développement de la bourgeoisie 

 

 

Pour mettre en oeuvre cette politique, le pouvoir royal doit en premier lieu s’appuyer sur le développement de la bourgeoisie : en effet plus s’accroît la richesse commerciale et industrielle du pays, plus l’or afflux et plus l’Etat s’enrichit, prélevant sur la richesse de la Nation les moyens de sa domination.

 

a. Le développement du grand commerce extérieur

 

Colbert, ministre de 1661 à 1683, est le plus ardant défenseur d’une théorie mercantiliste préconisant le développement du grand commerce. Le fait nouveau est la création d’un empire colonial français. Des comptoirs des Indes (Chandernagor, Pondichéry) partent soieries, thé, bois de teinture ; de la « Nouvelle France » (Canada) arrivent bois et fourrures. Les Antilles deviennent, dans la deuxième moitié du XVII°siècle, la source des plus hauts revenus, grâce à leurs plantations de tabac, de coton et surtout de canne à sucre. La main d’œuvre est formée de Noirs que les riches armateurs négriers, de Nantes ou de Bordeaux, raflent au Sénégal et revendent cher aux planteurs antillais.

Les produits coloniaux, fabriqués par une main d’œuvre presque gratuite, sont vendus en Europe à des prix exorbitants, avec quel bénéfice ! Ainsi, la spoliation rapide et sanglante des peuples coloniaux permet le rapide enrichissement de la

grande bourgeoisie commerçante.

Les compagnies de commerce, chargées de ce trafic, sont protégées par le roi : des « privilèges » leur donnent le monopole d’un secteur géographique déterminé ; de hauts tarifs douaniers écartent les rivaux hollandais et anglais ; des subventions d’Etat les soutiennent. Le roi met sa puissance militaire à leur service, pour la conquête de nouveaux territoires, pour la répression des révoltes ( tel le premier soulèvement d’esclaves à Saint-Domingue en 1674 ), pour écraser leurs concurrents ; contre la Hollande, alors leur plus grande puissance commerciale, Louis XIV mène une guerre de 1672 à 1678 qui a, entre autres des objectifs économiques ; et la guerre de Succession d’Espagne à la fin du règne a, partiellement, pour cause, le désir de mettre la main sur l’empire colonial espagnol.

 

b. Le développement des manufactures.

 

Ce capital commercial accumulé s’investit dans la production. La « manufacture dispersée » devient la règle dans les régions commercialement développées. Dans le Nord, notamment dans la région textile lilloise, les intendants parlent de marchands qui font travailler jusqu’à 1200 ouvriers. Evolution identique dans la région rouennaise, en contact avec les Antilles, où les marchands exportent draps et toiles. L’industrie textile de la région parisienne revêt les mêmes caractères. A Paris, les contemporains comptent plus de 200 très riches marchands-entrepreneurs, qui dominent notamment la production du luxe. L’industrie lyonnaise de la soie, avec ses 18000 métiers, est entièrement sous la dépendance des très gros négociants en soie, étroitement liés aux banques lyonnaises.

c. Apparition de formes capitalistes.

 

L’Etat intervient directement en autorisant « les manufacture réunies » qui permettent un développement de la production et, par voie de conséquence une concentration de la main d’œuvre en dehors du cadre traditionnel des corporations.

Par exemple, la manufacture de draps de Van Robais créee en 1868 à Abbeville comprend 100 métiers et près de 1700 ouvriers. Elle est entourée de murs et de fossés abritant non seulement les ateliers, mais aussi les habitations des ouvriers.

C’est à la bourgeoisie que l’Etat confère « les privilèges » permettant d’ouvrir les manufactures attirant ainsi une partie des capitaux accumulés par cette nouvelle classe sociale.

 

d. Développement financier

 

Les dépenses de L’Etat sont financées par des emprunts qu’il contracte par l’intermédiaire de banquiers -de financiers- avec la bourgeoisie : source de profit énorme tant pour les gens de finances que pour la bourgeoisie.

 

C’est grâce à cette politique qui s’appuie sur le développement de la bourgeoisie que le pouvoir royal peut en même temps maintenir en place les classes privilégiées ( la noblesse mais aussi le clergé ).

 

 

2. La situation de la noblesse

 

 

Le développement économique de la bourgeoisie ne peut qu’entraîner l’appauvrissement de la noblesse, qui ne peut participer à cette nouvelle économie, sans « déroger ».

 

a. La noblesse appauvrie

 

Dans la plupart des régions il ne reste qu’une grande famille noble possédant encore une grande richesse foncière tandis qu’à côté d’elle vivent quantité de petits seigneurs qui se cramponnent à leurs privilèges mais ne vivent guère mieux que leurs métayers.

 

b. La noblesse de cour

 

La noblesse de cour grandit au XVII°siècle jusqu’à devenir sous Louis XIV un véritable organisme : 6000 courtisans à Versailles, autour du « Roi Soleil » qui vivent dans une atmosphère de fête, de jeu, de luxe. Ils sont entretenus par le pouvoir royal qui leur octroi les charges rémunératrices de ces maisons « militaires et civiles », en même temps que des pensions.

C’est ainsi que le pouvoir royal maintient artificiellement la situation de la noblesse et sa position de classe.

 

 

Conclusion 

 

 

Ce développement de l’Etat monarchique a transformé la bourgeoisie en classe privilégiée et la noblesse -classe privilégiée-, en classe parasitaire.

Le caractère original de l’Etat monarchique tel qu’il se constitue au XVII°siècle consiste à établir un équilibre entre deux classes : la noblesse féodale et la bourgeoisie.

« Ne pourrai t-on voir ainsi, écrit l’historien, dans la monarchie absolue un deuxième stade de la société féodale qui, tout en conservant les rapports féodaux permet et soutient le développement de l’économie bourgeoise. »

 

Cet équilibre historique repose sur un double compromis : d’un côté la noblesse ne maintient sa position de classe privilégiée qu’en acceptant d’être stipendiée par le pouvoir royal ; d’un autre coté, la bourgeoisie joue le rôle de soutien du pouvoir royal parce qu’elle a conscience que c’est la centralisation de l’Etat monarchique qui lui permet d’assurer au mieux son développement.

Le pouvoir royal offre à la noblesse la possibilité de maintenir sa situation en la transformant en classe parasitaire ; mais il ouvre en même temps à la haute bourgeoisie non seulement la possibilité de s’enrichir mais aussi, en accédant aux charges politiques et administratives, la possibilité de s’anoblir.

 

 

B. Les conséquences idéologiques.

 

 

1. Une mise en doute philosophique

 

 

Avec le développement économique de la bourgeoisie, ce sont bien de nouveaux rapports sociaux qui sont entrain de naître ; et cela au sein même du système féodal dans le cadre d’un équilibre instauré par la monarchie absolue que l’analyse historique nous a permis de comprendre comme un compromis entre les classes sociales. L’Etat apparaît alors comme un arbitre et comme un pouvoir au-dessus des classes.

Dans ces conditions, en ce siècle, le mouvement idéologique ne peut en aucun cas se développer comme une critique sociale, encore moins comme une mise en cause politique du système. ( comme nous l’étudierons dans la comédie, notamment dans le Misanthrope, la critique sociale se limite à une critique des mœurs qui revêt une portée morale )

La novation au plan des idées trouve son origine dans la conscience que les individus prennent d’eux-mêmes : alors que l’individu s’appréhendait lui-même en fonction de sa place dans la hiérarchie féodale et s’identifiait à son rang et son rôle social, il est maintenant, -quelque soit la classe à laquelle il appartient un « sujet » du roi.

Alors que l’homme se définissait par sa place dans l’échelle des êtres constituant l’univers crée par dieu, il doit maintenant découvrir quelle est sa nature propre : une nature humaine, commune à tous, et comme le bon sens également partagé présent tout entier en chacun.

Toute la démarche philosophique de Descartes consiste à élaborer de nouveaux concepts de l'homme et de la nature :

-Une nouvelle idée de l'homme compris non plus comme un animal raisonnable que Dieu a situé dans l’univers de sa création entre la bête et l’ange mais qui tient toute sa dignité de l'exercice de la raison et du libre examen de toute idée et de toutes choses.

-Une nouvelle idée du monde qui ne peut plus être compris comme un univers des choses et des êtres créé par Dieu, mus par la force ou l'âme dont Dieu les a d'avance pourvus, mais se révèle, à la lumière de la science nouvelle (la physique mathématique) comme une nature, entièrement dénuée d'âmes ou de forces, dont le mouvement s'explique par ses lois propres, obéissant au principe d'inertie et à la mécanique du choc des corps.

 

L'homme n'est plus membre de la hiérarchie de l'univers parce qu'il peut comprendre et maîtriser le monde comme une nature. Et la nature est une réalité indépendante de l'homme et de l'image qu'il s'en fait, parce qu'elle obéit à des lois rationnelles. ( celles de la physique mathématique mise en œuvre par Descartes et les savants de son temps )

 

Comme nous l’étudierons, la portée véritable du « doute hyperbolique » de Descartes, récusant toutes croyances jusqu’ici tenues pour vraies, c’est la mise en cause de la conception scolastique du monde, -idéologie du système féodal.

La portée première du Cogito, avant d’être la découverte de l’homme comme sujet pensant, apparaît comme l’exigence née des transformations économiques et sociales, de penser à nouveau, sans préjugés, le rapport de l’homme ( compris comme sujet pensant ) et du monde ( compris comme une nature entièrement perméable à la raison ).

Dans cette démarche, « la révolution » cartésienne n’a pas d’autre portée que de mettre en œuvre une nouvelle représentation du monde : Il s’agit avant tout pour lui de substituer à l'idéologie du système féodal, un nouveau système de valeurs, exigé par le progrès des techniques et des sciences et par le développement des échanges économiques.

Il ne s’agit en aucune façon d’exprimer un quelconque idéal de la vie humaine ou sociale : Demande-t-on à Descartes, ce qu'il en est pour l'homme de la conduite de sa vie? - Nul besoin, répond-il, de réformer l'homme ou la société ; il nous suffit d'une « morale provisoire ».

C’est Dieu -la véracité divine- qui, a la fin du compte pour Descartes, garantit l’adéquation de la pensée et du réel, le rapport de l’homme à la nature à travers la mystérieuse union de l’âme et du corps.

 

Ainsi au XVII° siècle s’il est vrai que l’individu s’apparaît à lui-même comme homme indépendamment de son rang social, en raison du compromis historique que nous avons analysé, aucune contradiction n’apparaît entre l’individu et la société.

Les conditions historiques de cette contradiction ne sont pas encore développées: Pour qu'elles se manifestent, il faudra que la progression économique et sociale de la bourgeoisie fasse apparaître le pouvoir royal non plus comme le « deus ex machina » du système : la garantie pour les uns de leurs privilèges et pour les autres de leur ascension sociale, mais bien comme l'obstacle, le dernier rempart, déjà ruiné, d'un système condamné : alors pourra éclater la critique sociale.

Pour que la contradiction apparaisse entre la société devenue l'obstacle politique à la transformation des choses et l'homme, il faudra que naisse une autre idée, un nouvel idéal de l'homme : celle de l'individu, isolé, dont le XVIIIème Siècle cherchera l'image dans l'état de nature, qui peut refaire, de lui-même, en souscrivant un nouveau contrat avec les autres, ce que l'histoire a mal fait : Une nouvelle société fondée sur l'égalité en droits des hommes.

C'est alors que la critique ne sera plus morale, mais politique : il ne s'agira plus, de conforter l'homme dans l'idée qu'il se fait de lui-même, mais de le réformer en réformant la société.

 

 

2. Une mutation dans l’art : le théâtre comme représentation

 

Descartes nous a mis sur le chemin.

De même qu’il ne peut s’agir pour le philosophe que de mettre en œuvre une nouvelle représentation de l’homme et du monde, de même il ne peut s’agir pour l’art de promouvoir un quelconque idéal de l’homme ou de la société, mais seulement de représenter sous une forme symbolique les contradictions latentes de la société et l’image que l’homme se fait de lui-même. 

-Dans la mesure où l’équilibre historique réalisé par la monarchie absolue maintient en suspens les contradictions entre les classes sociales dominantes, que peut-être, en ce siècle, la forme privilégiée de la littérature sinon le théâtre, c’est à dire la représentation de ces contradictions comme inhérentes au destin l’homme, sous la forme de la tragédie ( nécessité du choix ou fatalité de la passion ) ?

-Dans la mesure également où les contradictions historiques n’ont pas encore donné naissance à une nouvelle réalité sociale, exigée par le développement de la bourgeoisie, que peut-être encore une fois la forme privilégiée de la littérature sinon sous la forme de la comédie : la critique des mœurs éclairant les vices de la nature humaine ?

-Dans la mesure enfin où les nouveaux rapports sociaux exigés par le développement de la bourgeoisie n’ont pas accouché d’un homme nouveau qui sera celui du XVIII°siècle, comment la représentation de l’homme par le théâtre peut-elle être autre chose que l’image de l’« honnête homme », c’est à dire l’homme du compromis, dont le personnage de Philinte dans le Misanthrope dessine le profil ?

 

Avec le XVII° siècle, le théâtre acquiert ses lettres de noblesse, ou mieux : révèle son essence, qui est d’être la représentation symbolique par une société de ses contradictions latentes ( qui lui restent dissimulées parce que rien ne permet de prévoir leur résolution ) et l’image déguisée de la fausse conscience que l’individu prend de lui-même au cœur des contradictions sociales qui le motivent.

 

 

3. L’évolution du siècle : Un pessimisme latent

 

 

a. Au début du siècle, la volonté politique de la royauté d’unifier le royaume pour établir son pouvoir absolu, -en s’appuyant sur le développement de la bourgeoisie- se manifeste d’abord par une lutte contre l’insubordination des féodaux. Richelieu, en particulier, s’efforce d’enlever à la noblesse toutes possibilités de soulèvement militaire : il fait raser les fortifications de nombreux châteaux et puni les rebelles de façon exemplaire.

Ainsi, en cette première phase de l’instauration de la monarchie absolue, il y a bien une contradiction puisque, dès ses origines, le pouvoir royal repose sur le système féodal qui semble mis en cause par la lutte de l’absolutisme contre la hiérarchie des privilèges. Mais, en même temps, parce que la royauté est le couronnement du système, cette contradiction comporte, ou mieux : exige une « résolution » qui dépend de « la volonté » des parties, notamment de la décision de la noblesse de se soumettre au pouvoir absolu.

C’est ce conflit et sa résolution qui s’expriment dans le théâtre cornélien : le héros cornélien doit « choisir », mais ce choix, qui relève sa volonté, est défini par une alternative ( que le héros met en scène dans le monologue d’une délibération : les stances du Cid ). C’est à un sacrifice qu’il doit consentir : s’il veut préserver son honneur, son rang et ses privilèges, il doit prendre conscience qu’une seule voie s’offre à lui : reconnaître, -au détriment de ses penchants, de son individualité, de la tradition dont il est porteur-, la valeur absolue du pouvoir.

Le théâtre cornélien convertit en un idéal ( la gloire du héros ) ce qui est la capitulation de la noblesse devant le pouvoir royal ( le Cid condamne la vieille conception de l’honneur féodal et le héros trouve la réalisation de soi au service du Pouvoir ; Cinna condamne la révolte en magnifiant le rôle d’arbitre du Souverain).

 

b. Il en va tout autrement au cours de l’évolution historique, notamment à partir du milieu du siècle, où la mise au pas de la noblesse par la royauté se révèle avoir pour corollaire ( et pour instrument ) le soutien du Roi Soleil au développement de la bourgeoisie. La contradiction entre l’autorité royale et les privilèges féodaux de la noblesse cesse d’être au premier plan, d’une part parce que le roi a restauré le privilège de la noblesse en la stipendiant, mais surtout parce que la politique du pouvoir royal a fait naître une contradiction plus profonde : entre les deux classes dominantes, la noblesse et la bourgeoisie.

Mais, parce que la royauté, -comme nous l’avons vu-, maintient artificiellement, « arbitrairement » l’équilibre ( en compromettant l’une et l’autre ), cette nouvelle contradiction reste latente, inaperçue de ces classes entre lesquelles l’antagonisme n’est pas encore né.

Aux yeux des hommes, -qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre classe-, cette contradiction apparaît sous la forme déguisée d’un pouvoir qui s’impose à l’individu comme une nécessité.

Les hommes ne peuvent plus choisir, comme dans la première moitié du siècle, entre les deux voies d’une alternative ; ils ne peuvent que subir leur destin, comme s’ils devaient consentir à sacrifier leur individualité et leur vie à un absolu qui les dépasse.

Il n’est qu’une seule façon pour l’homme de cette seconde moitié du siècle de représenter idéalement ce conflit latent que le pouvoir lui impose, c’est d’intérioriser la contradiction sous la forme de la fatalité de la passion.

Tel est l’acte naissance de la tragédie racinienne.

 

Au plan des idées, comme dans sa vie, Racine rejoint les « Solitaires » de Port royal. Il y a sans doute une parenté profonde entre la représentation par la tragédie racinienne du destin humain sous la forme de la fatalité de la passion, et la doctrine janséniste de la prédestination.

Au travers de cette contradiction imposée par le pouvoir aux hommes de ce temps comme une nécessité qu’ils ne peuvent comprendre, ce que l’individu découvre, c’est sa solitude face à la présence absolue d’un Dieu absent (Deus abscunditus)

 

 

4. Au cours du siècle, la manifestation permanente du rire

 

 

Ce qui apparaît au premier plan, tout au long du siècle, dans une société où les deux classes dominantes -la noblesse et la bourgeoisie-, sont obligées de se compromettre avec le pouvoir, l’une pour restaurer ses privilèges, l’autre pour accroître sa richesse et obtenir une reconnaissance sociale, ce sont les déguisements, les travers, les exagérations, les ridicules qui éclatent dans les mœurs d’un monde où chacun ( quelle que soit la couche sociale à laquelle il appartienne ) est mal dans sa peau. Chaque homme de cette époque se trouve pour ainsi dire contraint de jouer un personnage, de revêtir un rôle, qu’il endosse malaisément parce qu’il n’est pas le sien ( tel le bourgeois gentilhomme ) ou cyniquement pour servir ses intérêts ou ses intriques (tels Tartuffe ou Dom Juan).

Chaque comédie de Molière prend pour cible l’un ou l’autre de ces personnages, -appartenant à tel ou tel couche sociale-, qui sont les paradigmes de tel ou tel travers, de telle ou telle déformation et de tous les traits de cette comédie sociale.

Parce que cette critique des mœurs ne saurait à ce stade du développement historique se transformer en critique sociale, Molière se trouve pour ainsi dire contraint de convertir les défauts et les travers des mœurs en vices de la nature humaine.

S’il y a une philosophie de Molière, elle est tout entière, comme nous le montrerons dans le Misanthrope, dans une crise morale de cette société, où l’insincérité est de règle, où « l’honnête homme » est obligé de se compromettre.

Parvenu à ce point, dans les comédies les plus profondes de Molière, le rire ne dissimule t-il pas un pessimisme que seules les mutations sociales du siècle suivant permettront de surmonter ?

 

 

 

Conclusion : La vertu du théâtre

 

 

Ce qui traverse la réalité concrète de la société du XVIIème Siècle, c'est la contradiction entre les valeurs nouvelles et la pratique sociale, c'est-à-dire les modes de vie ou les mœurs de cette société : Peut-on être cet homme qui se définit par le bon sens et la vertu dans une société fondée sur le compromis, mieux sur la compromission ?

Avec le XVIIe° siècle, le théâtre révèle sa vertu, qui est d’être la représentation symbolique par une société de ses contradictions latentes (qui lui restent dissimulées).

C’est bien un drame intérieur à chaque « honnête homme » de ce siècle qu’il faut représenter et pour ainsi dire extérioriser. Et le théâtre est le mode privilégié de cette extériorisation.

Ce que l’on décrit en général dans la comédie, comme une mise en scène des traits de la nature humaine, et, dans la tragédie, comme un processus de purification ( catharsis ) des passions, est en réalité un véritable processus social par lequel les hommes, vivant à cette époque, convertissent,-grâce à la représentation-, une contradiction de la réalité, vécue comme un conflit intérieur, en un drame inhérent à la nature humaine ou immanent au destin de l’homme.

 

Il y a bien deux voies par lesquelles le théâtre peut mettre en œuvre ce processus de conversion par lequel le drame intérieur se trouve « objectivé » par la vertu de la « représentation ».

- La première voie est celle de la tragédie : elle représente le conflit intérieur -le drame- comme une fatalité, comme le destin tragique de l'homme aux prises avec une force : celle de la passion, qui, tout en étant intérieure à l'homme, le dépasse et le domine : Lucidement, dans la tragédie, le contenu politique de la contradiction : la nécessité du compromis des « âmes bien nées », des hommes nobles avec les exigences du Pouvoir, est exposé et « mis en discours », mais, en même temps, par un processus d'inversion, au lieu d'apparaître comme la cause extérieure, objective du drame, le contenu réel est en quelque sorte « généré » par la passion : c'est l'obstacle que le héros tragique suscite lui-même par la mise en discours -par l'exposé- du drame mystérieux, transcendant, qui l'habite, le hante comme une fatalité.

A la fin de la tragédie, c'est à cette fatalité que le héros succombe : la représentation a ainsi “dénoué” le conflit intérieur ; elle a résolu l'intériorité du drame en extériorité du destin.

 

- La seconde voie est celle de la comédie. Ici, le processus de catharsis sociale est réalisé par la conversion du conflit intérieur, vécu par tout honnête homme, en un problème humain.

Dès l'exposé du drame, c'est la mise en intrigue qui prend la place que tenait dans la tragédie la mise en discours. Le drame intérieur est immédiatement extériorisé dans une situation concrète : il s'incarne dans les personnages qui, à la différence des héros tragiques, sont individualisés par leur appartenance à tel ou tel milieu social.

Et, le processus dès lors (-comme nous pouvons l’analyser dans le Misanthrope) s'effectue en plusieurs étapes : C'est la peinture d'un milieu social et de types sociaux qui est d'abord représentée ; puis les traits de caractère des personnages renvoient aux vices du temps ; c'est alors que la critique sociale se transforme en critique morale et revêt « une dimension humaine » : Si l’on doit accepter les vices de ce temps, - qu’il serait ridicule comme Alceste de vouloir changer, n’est-ce pas à la nature humaine qu’il faut attribuer ces défauts qui contredisent l’idéal que l’on conçoit par la raison, et qui opposent à la vertu la nécessité du compromis ?

La comédie convertit en l’idéal de l’honnête homme cette nécessité qui s’impose aux hommes de ce temps comme un drame de la conscience.

 

 

 

Le XVIII° siècle

 

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Introduction historique

A. Évolution économique et sociale de la France au XVIIIème Siècle.

 

 

I - La propriété foncière.

 

 

1. Originalité de la France : le monde rural.

 

 

C'est le régime de la propriété foncière qui donne à la France du XVIIIème siècle sa physionomie particulière. Après la Révolution Française, il donnera à la Société Française son caractère original, influençant toute son évolution historique.

La comparaison avec l'Angleterre permet de comprendre la situation et l'évolution originale de la France :

En Grande-Bretagne, le progrès du machinisme et de l'industrie lainière incitent l'aristocratie des Lords à réduire les "tenures" paysannes qui ne leur rapportent que de faibles revenus, à transformer les terres de culture en pâturages, à accroître leur domaine proche par le moyen des "enclosures" : la prise du pouvoir politique à la suite des révolutions du XVIIème siècle leur laisse les mains libres pour s'emparer de l'ensemble des terres.

L'évolution agraire conduit ainsi en Angleterre à la disparition de la petite propriété paysanne.

La France ne connaît rien de semblable. Le développement plus tardif du capitalisme commercial et surtout du capitalisme industriel, entraîne le maintien du système féodal : les Seigneurs ont intérêt à profiter de leurs droits seigneuriaux, souvent lucratifs et à tenter de les accroître ; ils ont intérêt à maintenir le régime des tenures paysannes, dépendant de leurs fiefs.

 

C'est au maintien du régime seigneurial que la petite propriété paysanne doit en France sa persistance et son progrès. Lorsque la Révolution de 1789 supprime les droits féodaux, la propriété paysanne deviendra autonome, constituant une structure de base de la Société française.

En 1787, sur une population globale de la France estimée à 23 millions, la population totale des villes ne dépasse pas 2 millions.

La ville la plus importante de province : Lyon compte 135.000 habitants : c'est la seule ville de province comptant plus de 100.000 habitants.

Viennent ensuite les grands ports : Marseille, Bordeaux, Nantes, Rouen.

Les centres urbains, y compris des capitales de province comme Dijon ou Grenoble, n'ont guère plus de 20.000 habitants.

 

 

2. La répartition de la propriété foncière.

 

 

La noblesse possède une part importante du sol, plus faible cependant qu'on ne le croit généralement, très variable suivant les régions, ne dépassant pas 15% dans les régions pauvres (tel le Quercy) ou les régions de montagne (tel le Dauphiné), beaucoup plus étendue dans l'Ouest de la France (Haute-Bretagne ou Normandie), atteignant 40% dans l'Orléanais, jouant un rôle important dans les environs de Paris et à proximité de Versailles.

 

Le clergé, s’il atteint des pourcentages importants dans quelques régions privilégiées (40% dans le Hainaut et le Cambresis, 1/4 de territoire en Artois) ne détient en moyenne que 6% des terres.

Il faut noter qu'une grande partie des biens nobles ou ecclésiastiques consiste en bois et forêts, en propriétés morcelées qui excluent toute grande exploitation agricole.

 

La plus grande partie des terres est donc propriété paysanne. Le régime des "tenures" paysannes en fait de véritables propriétés héréditaires puisqu'elles passaient aux héritiers du tenancier et pouvaient être cédées par lui.

Les paysans constituant 90% du nombre des propriétaires, le fait marquant, c'est l'immense morcellement de la propriété paysanne.

Si l'on considère qu'il faut un minimum de cinq hectares pour assurer la subsistance d'une famille paysanne, cela signifie que la plupart des paysans (qui ne possèdent pas cinq hectares, et souvent moins d'un hectare) devront s'occuper comme fermiers ( s'ils ont quelque avance ) ou comme travailleurs agricoles

Il y a donc au XVIIIème siècle un véritable prolétariat rural que le chômage et la disette condamnent à la misère et qui sont la grande source de la mendicité et du vagabondage.

Les propriétaires aisés et les gros fermiers ne constituent qu'une petite minorité des populations rurales : c'est cette classe sociale qui bénéficiera de l'abolition du régime seigneurial et de la vente des biens nationaux

 

Il faut noter, enfin, que la bourgeoisie possède une portion non négligeable du sol, notamment dans les environs de Paris et des grandes villes, pouvant atteindre 16 à 20%.

Les biens fonciers constituent un placement sûr et honorable. Le bourgeois exploite rarement lui-même ; il donne sa terre en fermage ou en métayage. Souvent, dans une moindre mesure que pour l'industrie cependant, le bourgeois propriétaire s'intéresse aux formes nouvelles de production. S'inspirant des exemples flamand et anglais, quelques grands propriétaires bourgeois aussi bien que nobles, suppriment les jachères, les remplacent par des prairies artificielles ou des cultures fourragères, améliorent le cheptel, augmentent l'emploi des engrais.

Ainsi se développe une grande culture et s'introduisent dans les campagnes des modes nouveaux de production : l'agriculture capitaliste commence sa carrière.

 

Les Physiocrates, véritables < créateurs de l'économie politique >, comme l'a dit MARX, sont les théoriciens de cette agriculture nouvelle, dont ils posèrent avec éclat les revendications dans l'Encyclopédie.

Considérant la terre comme la source essentielle de richesse, ils réclament l'abolition des contraintes féodales qui pèsent sur l'agriculture et le commerce des produits agricoles.

Sans doute s'intéressent-ils peu à la masse des journaliers, métayers et petits propriétaires (vingt millions de personnes environ), qui pratiquent dans une misère souvent profonde l'agriculture traditionnelle: leurs revendications n'en portent pas moins atteinte à la société d'Ancien Régime.

 

3. Les couches sociales paysannes

 

Régime juridique

 

a. Les mainmortables

 

Ce sont les successeurs des serfs du Moyen Age : leur nombre ne dépasse pas un million qui se situent en particulier dans le Nord-Est (Franche-Comté, et Lorraine) et dans quelques régions du Centre (Berry, Nivernais, Auvergne).

Ils ont "main-morte" pour transmettre leurs biens à leurs enfants si ceux-ci n'habitent pas avec leurs parents.

 

b. Les "laboureurs"

 

Pleinement affranchis, ils ont la pleine propriété de leurs terres : ils constituent une sorte d'aristocratie paysanne, plus ou moins aisée selon la quantité de terre qu'ils détiennent.

Ce sont eux qui profitent des défrichements du XVIIIème siècle et qui bénéficieront de la vente des biens nationaux.

 

c. Les autres paysans ont en "tenure" les propriétés que possèdent les classes privilégiées (nobles, clergé et grande bourgeoisie).

 

Le métayage ou bail à moitié fruits est la location de terres au paysan, y compris les avances de semence ou de cheptel, moyennant une redevance en nature ou en argent égale à la moitié de la récolte.

 

Le fermage, plus favorable que le métayage, mais réservé à ceux qui peuvent faire les avances, est un bail de trois, six ou neuf ans, qui donne une terre en location moyennant une redevance fixe en argent, à laquelle peuvent s'ajouter des redevances en nature et des corvées (charrois et même labours des terres exploitées directement par le seigneur).

 

Les journaliers -travailleurs agricoles-, qui constituent une population importante, même si elle n'est pas comparable au prolétariat rural qui s'est développé en Angleterre.

 

C'est cette population qui sera atteinte par les crises, les disettes, les épidémies, souvent réduite au vagabondage et à la mendicité.

Les domestiques, employés surtout dans les fermes importantes, sont logés et nourris et reçoivent des gains annuels.

 

Régime seigneurial

 

Les corvées au XVIIIème siècle se sont transformées en redevances pécuniaires ou ne représentent plus que quelques journées de travail par an.

 

Les redevances qui se sont maintenues, sont des redevances "réelles" (portant sur la terre) perçues soit en argent (le cens) soit en nature (rentes) :

la dévaluation de l'argent rend les premières supportables. Les rentes en nature (le champart) représentent une charge appréciable.

 

S'ajoutent les droits de succession ou de mutation (en cas de transmission de la tenure.

 

S'ajoutent les "banalités" charges dues pour l'utilisation du moulin, du four, du pressoir.

 

Enfin les droits de péages, de marchés et de foires qui entravent la vente des denrées agricoles.

 

Le XVIIIème siècle connaît une "réaction féodale" : les seigneurs ayant de plus en plus besoin d'argent :

-essaient de rétablir des droits en désuétude (réfection des terriers)

-portent atteinte aux droits d'usage des paysans : jouissance collective de bois, landes et terres vagues, indispensables pour tous ceux qui n'exploitent qu'un ou quelques hectares.

-élèvent arbitrairement les droits existants, "la solidarité des rentes" obligeant les tenanciers à payer la quote-part des insolvables.

 

La fiscalité royale s'ajoute au poids du régime seigneurial. Ce sont les paysans qui paiement la taille et les nouveaux impôts (capitation et vingtièmes).

 

On estime que, variable selon les régions, la totalité des charges supportées par les paysans représente en moyenne entre un quart et un tiers de leur revenu.

 

 

CONCLUSION

 

1- Incurie des grands propriétaires ; inertie des paysans découragés par les charges et les injustices ; insuffisance des voies de communication ; entraves au commerce des denrées agricoles, autant de raisons qui expliquent le faible développement de l'agriculture et sa faible productivité.

 

Traits caractéristiques :

- Prédominance des petites exploitations

- Grande quantité de terres incultes et de landes qui jouent un rôle économique essentiel, permettant aux paysans les plus pauvres de faire paître leur bétail et d'assurer leur litière...

- Instruments de culture qui restent ceux du Moyen Age

- Procédés de culture soumis à la jachère : le repos de la terre un an sur trois est porté dans certaines régions à un sur deux, voire deux ans sur trois.

 

2- CEPENDANT

 

-Le maintien par le régime seigneurial d'une propriété paysanne et l'existence d'une couche sociale de paysans aisés que la Révolution Française va libérer du régime seigneurial et dont elle va permettre le développement, constituent la base de l'évolution originale de la Société Française au XIXème siècle.

 

-Dès le milieu du XVIIIème siècle, l'importance du monde rural et de la petite propriété constitue la base d'une idéologie, caractéristique de la "mentalité" française dont la petite et moyenne bourgeoisie, issue du monde rural, restera longtemps porteuse : l'idéal de la petite propriété personnelle, fondement du bonheur individuel.

 

 

II- Le parasitisme des classes privilégiées et la crise du pouvoir monarchique.

 

1. Le clergé

 

- Le Clergé est le premier des trois ordres qui composent la Monarchie Très Chrétienne. Sur 23 à 25 millions de Français, le clergé comprend 130.000 membres dont 70.000 réguliers et 60.000 séculiers.

 

- Frappante est l'étendue de sa richesse :

A Paris, les "réguliers" possèdent le quart des immeubles.

Le Clergé, de façon très variable, suivant les régions, est propriétaire d'un cinquième du sol.

On considère qu'avec son domaine immobilier (issu de dons et de legs.) constitué de palais épiscopaux, couvents, collèges, hôpitaux, etc. y compris les terres et forêts, l'Eglise est en 1789, le premier propriétaire du royaume, avec un patrimoine estimé à trois milliards de livres.

 

-Ses ressources sont représentées :

 

- Par la dîme, rémunération due par tous les fidèles qu'elle est autorisée par l'Etat à lever sur les produits de la terre. Cette dîme représente 1/18 en moyenne des revenus de la terre : Soit 80 millions de livres.

 

- Son domaine immobilier lui rapporte 85 millions de livres.

 

Son revenu atteint, en ajoutant 15 millions de recettes diverses, 180 millions de livres.

 

- Elle est exemptée des impôts directs et ne paie ni taille, ni capitation, ni vingtième.

Elle a pour seule obligation de verser à l'Etat, un Don gratuit qui représente annuellement 10 millions de livres.

 

 

-Ses charges sont constituées :

 

- par l'assistance en matière de santé et de charité. Elle gère ainsi 2.200 hôpitaux dont le budget est de 30 Millions de livres, et dans les petites villes et campagnes, des fonds de charité.

 

- par l'instruction publique, dont l'Etat ne s'occupe pas,

- soit 600 collèges éduquant 75.000 élèves

- soit 25.000 paroisses (sur 37.000) possédant une école primaire

- et 13 à 14.000 religieuses ayant en charge l'éducation des filles.

 

La gestion des ressources s'effectue par le système des "bénéfices", issu de la féodalité :

Le principe consiste à attribuer au titulaire d'une fonction, les revenus des propriétés et les dîmes rattachées à la charge qu'il doit assurer :

Par exemple : Un évêque reçoit les bénéfices correspondant à son "diocèse".

Sont dits :

"bénéfices majeurs" : ceux attachés aux évêchés, abbayes et canonicats

"bénéfices mineurs" : ceux attachés aux prieurés et aux cures.

 

Les "titulaires" des bénéfices sont nommés par le Roi quand il s'agit des évêchés et des abbayes, et par les évêques quand il s'agit des bénéfices mineurs

.

Les "patrons" (ceux qui nomment les titulaires des bénéfices) ne disposent que du pouvoir temporel, c'est-à-dire de l'administration des biens ; le spirituel - le droit d'exercer les fonctions religieuses - est exercé par le Pape et, pour les évêchés et certaines abbayes, par les évêques pour les autres fonctions.

 

 

En pratique, les titulaires des bénéfices ont le droit de "commendater" un prieur (pour les abbayes) ou un vicaire (pour les cures) pour exercer à leur place leurs fonctions, en échange d'une somme qu'on appelle "la portion congrue".

De plus, le "commendataire" peut être titulaire de plusieurs fonctions, par exemple plusieurs abbayes.

(4/5 des abbayes en 1781 sont attribuées à des abbés commendataires).

 

Ainsi, l'institution ecclésiastique est ainsi pratiquement détournée de sa fonction religieuse pour devenir une fonction ouvrant droit à une situation sociale.

Dès le XVIIIème siècle, les "bénéfices" ecclésiastiques sont réservés à la Noblesse, pour qu'elle puisse sans "déroger" (s'adonner au commerce et à l'industrie) tenir son rang.

A la veille de la Révolution : " Les membres du Haut Clergé" se recrutent presque exclusivement parmi elle : ils sont 3.000 prélats, vicaires généraux, chanoines d'églises cathédrales et quelques milliers de chanoines d'églises collégiales, pourvus de la plupart des bénéfices importants.

Dès 1750, l'épiscopat est uniquement recruté dans la bonne noblesse ; le dernier évêque bourgeois meurt en 1793.

Les évêques de 1789 s'appellent : Montmorency-Laval, Clermont-Tonnerre, Polignac, Breteuil etc...

 

Ils doivent leur situation prépondérante autant à leur richesse qu'à leur fonction :le Diocèse de Paris rapporte 600.000 livres de rentes ; celui de Cambrai 200.000 livres; celui de Toulouse 100.000 livres;

A ces revenus , il faut ajouter ceux des abbayes dont ils sont "commendataires", qui les doublent ou les triplent.

 

Mode de vie du Haut-Clergé

 

Un assez grand nombre d'évêques et d'archevêques mènent un grand train, tiennent table ouverte, ont hôtel à Paris, fastueuse maison de campagne.

C'est en grand seigneur que vivait le cardinal de Brienne, dans son domaine de Brienne ; Dillon, à Hautefontaine, en Picardie, menait une vie beaucoup plus amusante qu'épiscopale ; on y chassait trois fois par semaine, on y jouait la comédie. A Saverne, le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, donnait des fêtes magnifiques, recevant souvent des centaines d'hôtes.

Sans doute, un faste aussi considérable est plutôt exceptionnel. Mais beaucoup de prélats ne s'acquittent que d'une façon fort tiède de leurs fonctions. Ils résident souvent plutôt à Paris que dans leurs diocèses ; en 1764, on constate dans la capitale la présence de plus de quarante évêques, et il n'est guère de moment où on n'en compte une vingtaine.

Les mieux rentés ont palais dans leur ville épiscopale, château à la campagne, hôtel à Paris, et mènent partout un train fastueux ; à Châlons, Clermont-Tonnerre se rend à sa cathédrale dans une voiture attelée de quatre chevaux blancs, piquier de chaque côté, un officier à cheval en avant portant l'épée nue en mémoire de l'ancien droit de vie et de mort possédé par l'évêque-comte.

 

2. La noblesse

 

a. Évolution

 

Au XVIIIème siècle, l'ancienne noblesse militaire, puis la noblesse administrative du XVème siècle ont en grande partie disparu.

Si en théorie, on est "noble" de naissance, quand on peut faire remonter sa noblesse à quatre quartiers (quatre générations), la noblesse comprend en réalité une proportion considérable d'anoblis.

Cette nouvelle noblesse est le résultat d'une évolution historique au cours de laquelle s'est développé le phénomène de l'anoblissement.

Dès le XVIème siècle, les "Lettres de noblesse" peuvent s'acheter à prix d'argent.

Sous Louis XIV, le prix à payer est peu onéreux = 5.000 livres.

Voltaire peut écrire dans l'Essai sur les Moeurs :

Un nombre prodigieux de citoyens, banquiers, chirurgiens, marchands, domestiques de prince ont obtenu des lettres de noblesse.”

 

Un certain nombre des charges de l'Etat confèrent la noblesse héréditaire : chancelier, garde des sceaux, gouverneur, présidents de cour.

Puis les offices de la haut magistrature ont également conféré la noblesse à leur titulaire, donnant naissance à ce qu'on a appelé la noblesse de robe.

Certains offices municipaux conférèrent également des titres de noblesse à leurs titulaires, donnant naissance à ce qu'on appela : la noblesse de cloche.

Enfin, on put dès le XVIème siècle (bien qu'un édit de 1579 voulut l'interdire) devenir noble en se portant acquéreur d'une seigneurie : d'une terre noble.

C'est ainsi que des roturiers marchands mais aussi parfois de riches artisans ou paysans purent acquérir des titres de noblesse.

 

Le résultat de cette évolution, c'est que " tous les hommes qui sont parvenus à une notable richesse réussissent à pénétrer dans les rangs de la noblesse ".

En 1776, TURGOT pourra écrire que le corps des nobles comprend tout le corps des riches, ajoutant :

La cause des privilégiés est devenue la cause du riche contre le pauvre

 

b. La Noblesse en tant que classe sociale

 

Que signifie la formule de TURGOT ?

 

Non pas, certes, que la noblesse est la classe prédominante dans la nation parce qu'elle est la classe la plus riche, mais bien au contraire que la noblesse n'existe plus en tant que classe que comme minorité parasitaire, vivant, grâce aux privilèges, de la richesse de la nation (générée, aux yeux de TURGOT lui-même, par l'agriculture et le commerce).

On peut considérer qu'au milieu du siècle, la noblesse comprend environ 80.000 familles, soit 400.000 individus. Mais, loin de constituer une classe homogène, toute l'évolution historique a fait apparaître une minorité privilégiée : noblesse de cour et noblesse parlementaire, qui se caractérise par sa richesse et son mode de vie.

 

La base économique de cette classe sociale reste la propriété foncière :

les droits seigneuriaux permettent aux nobles, possesseurs de fiefs, de prélever sur les tenures paysannes, une rente foncière.

La condition économique des nobles qui vivent uniquement de leurs domaines, varie selon l'étendue de leurs fiefs et selon les régions.

Certaines seigneuries peuvent générer un revenu important :

- le Marquisat de Chateaugiron : 124.000 livres

- la baronnie de Tiercen : 42.000 livres

_mais bien plus nombreuses sont les seigneuries dont les revenus sont inférieurs à 10.000 livres ; enfin beaucoup de petites seigneuries produisent à peine 1.000 livres.

 

Parmi les nobles qui vivent de leurs terres, on rencontre toutes les conditions de vie, jusqu'à une noblesse pauvre dont la condition ne diffère guère de celle de leurs paysans.

 

Pour tous les nobles, s'ajoutent au revenu foncier, le privilège d'exemption fiscale : ils sont dispensés de la taille, de la corvée des grands chemins, du logement des gens de guerre.

Quand sont créés de nouveaux impôts comme la capitation ou les vingtièmes, ils figurent sur un rôle spécial et ne sont pas taxés à proportion de leurs revenus.

 

 

C'est "la présentation à la Cour" qui va donner naissance à une minorité privilégiée, environ 4.000 familles, représentant 20.000 personnes.

La présentation à la cour constitue non pas tant un honneur que l'octroi d'avantages économiques considérables : une véritable redistribution des richesses par la Monarchie absolue au profit d'une minorité. C'est le système des bénéfices et des pensions

 

Voici quelques fortunes :

- Duc d'Orléans : 3.000.000 livres de revenus

- Maion de Condé : 1.500.000 livres de revenus

- Prince de Condé : 600.000 livres de revenus

- Duc de Chevreuse : 400.000 livres de revenus

 

Les fortunes de 100.000 à 150.000 livres de rentes sont fréquentes. Les pensions en général s'ajoutent à ces revenus : le Prince de Condé reçoit une pension de 160.000 livres de rente par an, en sus de revenus.

 

 

c. Mode de vie de la Noblesse de Cour

 

Les membres de la haute noblesse mènent un train de vie fastueux qui les ruine. Les mémoires du temps nous montrent le luxe des habits et des robes, car les vêtements des hommes rivalisent avec ceux des femmes en ornements coûteux. On pense ce que peuvent valoir des habits de drap d'argent et d'or, garnis de point d'Espagne. Des robes de bal sont payées fréquemment 1.500, 2.000 livres.

Et que dire des trousseaux des mariées ?

- Celui de Melle de la Briffe, fille du premier président au Parlement de Bretagne, est estimé plus de 21.000 livres en 1781 ;

- Celui de Melle Billon, 45.000 livres, en 1787 ;

- Celui de Melle de Mondragon, 100.000 livres, en 1784.

 

Les nobles de la Cour tiennent à honneur d'avoir les plus beaux chevaux, les carrosses les plus élégants, souvent tapissés de velours et décorés de panneaux peints. Le luxe de la table est surtout l'apanage des magistrats et des financiers. Il faut aussi une domesticité énorme : il n'est pas rare de trouver, dans une maison noble, 30 ou 40 valets, sans compter les femmes de chambre, les maîtres d'hôtel. Enfin, il est de bon ton d'entretenir des maîtresses, à qui l'on donne des pensions fastueuses, sans compter les cadeaux :

 

Le prince de Soubise, dit l'acteur Fleury, ne se contentait pas de jeter l'or à pleines mains sous les pas des reines de boudoir, -elles étaient une douzaine- ; comme il donnait à chacune le même état de maison, la même livrée, et un équipage en quelque sorte uniforme, on disait, quand on voyait passer les voitures de ses maîtresses : voila la maison Soubise ! ”

 

Quand le président de Rieux, en 1743, congédie la Camargo, il lui fait don de 120.000 livres.

 

Les réceptions de la vie mondaine n'entraînent pas moins de dépenses, qu'il s'agisse de dîners, de bals ou de représentations théâtrales, de chasses. Un souper où le prince de Soubise invite le Roi, à Saint-Ouen, en 1749, ne coûte pas moins de 200.000 livres. Choiseul, à Paris, puis dans sa retraite de Chanteloup, tient table ouverte ; il reçoit tous les soirs, donne des soupers et des concerts ; son train de vie est tel que ses 800.000 livres de rente ne lui suffisent pas. A Chantilly, dans l'admirable domaine des Condé, ce sont, à tout instant, des fêtes splendides.

La vie de château est, en effet, tout aussi dispendieuse que l'existence parisienne. On a souvent décrit les splendeurs du château de Sceaux, résidence de la duchesse du Maine, de Chambord, qui appartint au maréchal de Saxe, du château de Pontchartrain, où Maurepas réunit une véritable cour, de Chanteloup. Non moins splendide est le château de Brienne, où le comte de Brienne et son frère, l'archevêque, donnent des fêtes splendides :

 

On arrivait au château de Brienne, nous dit M. Henri Carré, par une longue avenue bordée de tilleuls, de lilas et de gazons. Au rez-de-chaussée étaient les pièces d'apparat, salle à manger pour quatre vingts personnes, grand salon donnant sur l'avenue et les jardins, salle de billard, bibliothèque à galeries circulaires, cabinet d'histoire naturelle, cabinet de physique expérimentale, salle de spectacle pouvant se transformer en salle de bal, si l'on mettait la scène au niveau du parterre ; dans un souterrain, au-dessous, salle de bal pour la domesticité. Au rez-de-chaussée, encore, appartement de la comtesse. En avant du château, du côté de la cour d'honneur, deux grands pavillons, divisés en appartements.”

A Brunoy, près de Paris, le financier Pâris de Montmartel a dépensé 10 millions ; à Méréville, en Beauce, le banquier de la Borde, pour faire un parc "à l'anglaise", a englouti 14 millions.

 

III. Le Développement du commerce : capitalisme commercial et débuts de l’industrie.

 

1. Le développement du commerce

 

a. Le fait le plus marquant de l'évolution économique au XVIIIème siècle, c'est le développement du commerce extérieur qui a quadruplé en 1716 et 1789.

 

Au début du règne de Louis XVI, les exportations s'élevaient à 122 millions de francs, les importations s'élevaient à 93 millions de francs.

En 1789,les exportations s'élevaient à 438 millions de francs, les importations s'élevaient à 634 millions de franc (dont 250 millions provenant des colonies).

-avec les Pays d'Europe

. avec l'Espagne, malgré une décadence dans la seconde moitié du siècle,

. avec l'Angleterre, faiblement jusqu'au traité de 1786,

. avec les Pays Hanséatiques, la Russie, les Pays Scandinaves.

-avec le Levant :

Marseille, port franc, conservant le monopole des transactions entre le Levant et la France, occupe toujours (comme au XVIIème siècle) le premier rang dans ce commerce : 5 à 600 bâtiments sont occupés à ce trafic.

 

Colbert avait créé des compagnies privilégiées pour leur confier le monopole du Commerce, qui recevaient des subventions de l'Etat : ce commerce était protégé de la concurrence étrangère par des droits de douane frappant les navires étrangers entrant dans nos ports :

- Compagnies du Nord,

- du Levant,

- des Indes Orientales,

- des Indes Occidentales, etc ...

 

Law fusionne toutes ces compagnies dans la "Compagnie des Indes" qui fut entraînée dans la faillite du système.

Reconstituée dès 1725, la Compagnie des Indes contribue à l'extension du Commerce colonial, avec la Louisiane d'abord, puis avec les possessions françaises de l'Inde où Dupleix crée un véritable empire.

 

Dans la seconde moitié du siècle, c'est avec les Antilles -nos îles d'Amérique- que se fait le commerce colonial le plus important.

A la veille de la Révolution, elles envoyaient en France 185 millions de marchandises (sucre, café, coton, indigo, cacao, gingembre) et importaient de la métropole 78 millions de produits manufacturés.

La Traite des nègres, annexe à ce commerce, enrichit de nombreux armateurs de Bordeaux, de Nantes et du Havre.

- Les ports sont les places de commerce les plus importantes :

- BORDEAUX : dont le commerce passe de 40 millions à 250 millions

- NANTES : où 150 vaisseaux partent pour les Amériques

- LE HAVRE : qui fait de grands progrès après la Guerre de Sept ans

- MARSEILLE : qui a le monopole du commerce avec le Levant

 

Une industrie née du commerce colonial se développe dans les ports : raffineries, distilleries, manufactures d'indiennes.

 

Ce sont les armateurs des principaux ports qui constituent le principal contingent des négociants qui occupent la place la plus haute dans la bourgeoisie.

 

 

b. Le commerce intérieur se développe au XVIIIème siècle, mais de façon bien moins spectaculaire que le commerce extérieur.

Il est entravé d'une part par les droits intérieurs (péages, etc...), d'autre part par l'insuffisance des voies de communication et des moyens de transport.

Ce n'est qu'à partir de 1750, que sous l'influence des économistes Vincent de Gournay (Intendant de commerce de 1750 à 1758), de Trudaine, de l'Ecole des Physiocrates, mais surtout de TURGOT et CONDILLAC, qu'on se préoccupe de la liberté du commerce.

Ce n'est qu'en 1763, qu'un édit royal autorise le libre transport des grains d'une province à l'autre.

 

Les voies de communication se développent :

En 1788, on compte 12.000 lieux de routes construites et 12.000 lieux de routes tracées ou en construction.

Les routes royales rayonnent de Paris vers les grands centres provinciaux (comme le fera le tracé des chemins de fer).

Il y a peu de routes est-ouest et de routes transversales.

Le principal effort est porté, après 1770, sur les voies de navigation intérieure par la constructions de canaux : en 1789, un réseau est achevé dans le Nord, mais les travaux du canal du Centre, de Bourgogne et du Rhône au Rhin ne font que commencer.

 

Les moyens de transport sont insuffisants, rudimentaires et lents.

-Le transport des voyageurs est confié à des Messageries et assuré par des fourgons, carrosses et diligences :

- de Paris à Lyon : 5 jours (au lieu de 10 jours au XVIIème siècle)

- de Paris à Bordeaux : 6 jours

- de Paris à Lille : 3 jours

- de Paris à Marseille : 11 jours

 

-Le transports des marchandises est assuré par le routage réservé à des entrepreneurs particuliers. Il double environ le prix des marchandises.

-C'est la Poste qui assure le transport des paquets de moins de 50 livres : le bail de la Poste est multiplié par huit au XVIIIème siècle, preuve de l'accroissement des relations intérieures.

-Enfin les provinces maritimes assurent le commerce entre elles par le cabotage, souvent par des barques de 50 à 100 tonneaux.

 

Conclusion

 

Ce sont les capitaux accumulés par le commerce, et notamment par le commerce maritime et colonial qui vont commencer à s'investir dans des entreprises industrielles.

 

2. Les débuts de l’industrie

 

a. Le développement des manufactures dans la 1ère moitié du siècle

 

 

- Dans la première moitié du XVIIIème siècle, on voit se développer les manufactures, qui sont des manufactures d'Etat, telles qu'elles étaient organisées au XVIIème siècle, à l'époque de Colbert, souvent créées par l'Etat, étroitement contrôlées par l'Administration Royale.

L'exemple en est : la Manufacture de draps fins des Van Robais, fondée à Abbeville en 1665, par un protestant hollandais appelé par Colbert, dont le privilège (-ou le monopole-) sera renouvelé jusqu'à la Révolution Française.

Plus minutieusement encore qu'à l'époque de Colbert, les règlements déterminent la nature et la qualité des matières premières, la nature de l'outillage, les procédés à employer, la nature et la qualité des produits.

 

Le Conseil du Commerce, créé par Colbert, joue un rôle actif. Les inspecteurs des manufactures se maintiennent jusqu'à la Révolution. On établit même des inspecteurs généraux dont certains, dans la seconde moitié du siècle seront des hommes de grande valeur, tel Dupont de Nemours.

 

 

- En dehors des manufactures d'Etat, on crée un bien plus grand nombre de manufactures royales (pour lesquelles il faut une autorisation).

On constate dans la première moitié du siècle de sérieux progrès industriels, entre 1715 et 1750 et surtout après 1730.

Ainsi, la fabrication de la soie, des étoffes d'or et d'argent se répand à Paris et dans le Midi ; en Languedoc, l'industrie drapière semble assez florissante ; dans l'Est et en Normandie, l'industrie cotonnière s'est beaucoup développée ; fabrication nouvelle, en France comme en Angleterre, elle échappe plus que les autres industries à la réglementation.

Puis ce sont de nouvelles manufactures de fer-blanc, et, en Dauphiné, de nouvelles aciéries ; en Dauphiné et surtout en Angoumois, de nouvelles papeteries.

Les mines de houille, jusqu'alors peu et mal exploitées, sont mises en valeur avec plus de méthode, dans le Nord et dans le bassin de Saint-Etienne ; les mines d'Anzin et de Carmaux deviennent actives, et l'arrêt de 1744 va donner un nouvel essor à l'industrie houillère.

 

b. L'extension de l'industrie rurale et l'Empire du capitalisme commercial.

 

L'on assiste au XVIIIème siècle au développement de l'industrie rurale, mais le fait caractéristique, c'est l'emprise du capitalisme commercial qui concourt à ce développement et le domine.

On distingue nettement deux types d'industrie rurale :

-_Le premier s'applique aux régions dont les ressources agricoles sont insuffisantes et où la vie urbaine est peu active, comme la Bretagne et le Bas-Maine. Dans ces contrées, l'industrie campagnarde de la toile ne fait nullement concurrence aux métiers urbains, peu nombreux.

Les marchands se livrent exclusivement à des transactions commerciales, ne dirigent pas la production, ne distribuent pas la matière première, que le paysan récolte sur place ; tout au plus s'occupent-ils de faire opérer le blanchiment et le finissage des toiles ; c'est tout à fait par exception qu'ils deviennent entrepreneurs de manufactures.

En Bretagne et dans le Bas-Maine, l'industrie rurale ne donnera pas naissance à l'industrie capitaliste ; quand elle tombera en décadence à la fin du XVIIIème siècle et au XIXème siècle, ces provinces deviendront presque exclusivement agricoles.

 

-_Au contraire, dans des pays comme la Flandre, la Picardie, la Haute-Normandie, où l'agriculture est prospère, où l'industrie urbaine a essaimé dans les campagnes environnantes, où l'industrie rurale s'est développée surtout parce que nombre de paysans sont dépourvus de propriété, l'artisan rural dépend souvent de véritables manufacturiers, qui lui font des commandes et donnent des directions à son travail.

 

En tout cas, les négociants distribuent aux travailleurs de la campagne la matière première, leur fournissent même les métiers. Ce sont eux qui soutiennent la fabrication rurale au point de ruiner les métiers urbains, comme s'en plaignent les maîtres et compagnons de Troyes ; ce sont eux qui, à la fin de l'Ancien Régime, dans la bonneterie et dans la filature du coton, introduisent les métiers mécaniques, ce qui rend plus désastreuse encore pour l'industrie urbaine la concurrence des campagnes.

 

Il suffira que les métiers soient concentrés dans des usines pour que naisse la grande industrie, pour que le négociant-entrepreneur se transforme en patron industriel.

 

c. L'Empire du capitalisme commercial sur l'industrie

 

Dans les métiers urbains de l'industrie textile, on voit souvent s'exercer la même emprise du capitalisme commercial, qui a pour effet de faire tomber les artisans, autrefois indépendants, au rang de salariés.

 

-L'exemple le plus frappant nous est fourni par l'industrie lyonnaise de la soie. Déjà, au XVIIème siècle, la distinction s'était faite en maîtres marchands et maîtres ouvriers, comme le montre le règlement de 1667. Le règlement de 1744 consacre la dépendance économique des maîtres ouvriers, qui deviennent les salariés des marchands. Leur dépendance est d'autant plus grande que le marchand fournit la matière première, ainsi que les dessins, et leur avance souvent les sommes nécessaires pour l'achat de l'outillage. Enfin, le prix de la façon est fixé par le marchand ; le salaire n'est établi que quand l'ouvrage est terminé.

 

-Dans l'industrie drapière, on perçoit une évolution analogue, mais moins générale. L'emprise du capitalisme commercial sur le travail s'explique surtout par des raisons techniques, par la multiplicité des opérations auxquelles donne lieu la fabrication.

La laine doit être lavée et dégraissée. On la soumet au battage, au cardage ou au peignage, puis on la remet aux fileurs ou fileuses. Après le filage, c'est le dévidage, le bobinage et l'ourdissage. Ensuite, la pièce passe à la teinture et, s'il s'agit d'une laine cardée, au feutrage. Enfin, ce sont les derniers apprêts : le lainage, le tondage et le ratissage.

On s'explique ainsi l'intervention du marchand qui se charge de diriger tout le "processus" de la fabrication.

Là où la concentration commerciale est parfaite, elle entraîne parfois la concentration industrielle. C'est qu'en effet, les marchands-entrepreneurs ont intérêt à grouper les ouvriers sous le même toit pour surveiller leur travail et éviter les frais de transport.

Tel est le cas d'un certain nombre de manufactures drapières du Midi, comme celles de la Trivalle, près Carcassonne, de Villeneuve, près Clermont ; à Montauban, un manufacturier fait construire un bâtiment qui lui coûte 125.000 livres. A Reims, près de la moitié des métiers sont groupés dans de grandes manufactures. A Louviers, la concentration est plus forte encore : quinze entrepreneurs groupent des milliers d'ouvriers ; l'un d'eux fait construire, pour 200.000 livres, une énorme manufacture, abritant cinq ateliers.

 

-Dans l'impression sur toile, la concentration industrielle s'opère de bonne heure sur une vaste échelle, bien avant l'introduction du machinisme. On se l'explique si l'on considère que, comme le dit Ch.Ballot :

les conditions techniques de la fabrication nécessitaient l'immobilisation d'importants capitaux, la réunion des ouvriers en ateliers et la division du travail entre eux.

Il faut des terrains étendus pour le blanchiment des toiles, de vastes bâtiments pour les ateliers, de grandes pièces pour le séchage. L'outillage est compliqué et coûteux, et l'on a besoin de stocks importants de matières premières.

En outre, la diversité des manipulations exige la division du travail entre de nombreuses catégories d'ouvriers spécialisés, et qui doivent travailler dans le même établissement. Rien d'étonnant que, vers la fin de l'Ancien Régime, cette industrie comprenne plus d'une centaine de manufactures, produisant pour plus de 12 millions de livresde toilespeintes.

La plupart appartiennent à des compagnies d'associés et surtout à des sociétés par actions, fort riches : la société d'Oberkampf, à Jouy, en 1789, a un capital social de près de 9 millions.

 

d. Les débuts du capitalisme industriel

 

Toutefois, la concentration ouvrière et industrielle, condition nécessaire de la grande industrie capitaliste, ne pouvait devenir un phénomène vraiment général que grâce au triomphe du machinisme.

 

Progrès limité du machinisme en France :

 

Or, au XVIIIème siècle, le machinisme en France, ne s'introduit que dans quelques industries :

 

-C'est d'abord dans le moulinage de la soie, où on le voit apparaître dès la première moitié du siècle, puis se développer grâce aux inventions de Vaucanson ; aussi cette industrie donne-t-elle lieu à la fondation de grands établissements, comme ceux des Jubié à la Sône.

 

-Mais, c'est dans l'industrie cotonnière, -fabrication nouvelle-, que le machinisme se développe de la façon la plus intense.

Comme les inventions techniques ont vu le jour en Angleterre, où l'invention de la navette volante, de John Kay, a suscité tant de perfectionnements, nous devons emprunter à nos voisins ouvriers et machines :

- la spinning jenny (inventée en 1765),

- le water-frame, d'Arkwright, qui date de 1767,

- la mule-jenny, de Crompton.

 

La spinning jenny, étant un petit métier à bras, ne nuit nullement à l'industrie rurale et dispersée ; au contraire, les mule-jennys favorisent la concentration.

Déjà Holker, avant 1760, avait préconisé l'introduction de machines anglaises. Mais ensuite c'est surtout Milne -un autre Anglais- qui joue un grand rôle en fabriquant, à la Muette, des métiers employés dans son pays.

C'est surtout à partir de 1775-1780 que l'on introduit en France les inventions d'Arkwright et de Cartwright. D'importantes manufactures "concentrées" sont créées dans la filature du coton, comme celles de Lecler, à Brives, de Martin et Flesselles, à Amiens, du duc d'Orléans -ce grand homme d'affaires- à Orléans et à Montargis.

Il est vrai que le France n'emploie encore que 900 jennys , tandis qu'il en existe 20.000 en Angleterre. Ce n'est donc qu'un début. N'empêche qu'en 1789 on voit se dessiner les progrès du machinisme, qui se développera surtout au siècle suivant.

 

-Dans quelques papeteries, notamment à Annonay, on substitue l'industrie mécanique au travail à la main. Mais la plupart de ces établissements sont dotés d'un outillage sommaire et n'emploient que quelques ouvriers.

 

Dans l'industrie métallurgique, on commence à remplacer la fonte au bois par la fonte au coke, comme on le fait déjà à Montcenis sur une grande échelle, et, en 1787, est fondée la Société par actions du Creusot, qui, comprenant 4.000 actions de 2.500 livres chacune, dispose d'un capital suffisant pour employer des machines à vapeur, des marteaux-pilons, un outillage perfectionné et coûteux.

Les établissements sidérurgiques sont encore de très modestes exploitations à outillage rudimentaire et n'employant que huit à dix ouvriers. Les forges sont éparpillées sur tout le territoire, tout au moins dans les régions forestières, car elles n'usent encore que de charbon de bois.

 

Les mines de houille, grandes exploitations capitalistes :

 

Ce sont les mines de houille qui annoncent le plus fortement le triomphe futur de la grande industrie capitaliste.

A la suite de l'arrêt de 1744, établissant qu'aucune mine ne pourrait être exploitée qu'en vertu d'une concession-royale, de grandes compagnies accaparent toute l'exploitation houillère aux dépens des propriétaires ou des anciens entrepreneurs.

Seules, en effet, elles sont capables d'accomplir les perfectionnements techniques nécessaires : les sondages, l'ouverture des galeries et des puits, l'aérage, l'épuisement de l'eau ; seules, elles peuvent employer des "pompes à feu" , c'est-à-dire des machines à vapeur.

C'est que ces compagnies -Alais, Carmaux, Anzin surtout- sociétés par actions, menées par des hommes d'affaires énergiques et intelligents, soutenues aussi par quelques gentilshommes entreprenants, comme le Prince de Croy et le Chevalier de Solages, ont l'aspect de grandes entreprises capitalistes.

La Compagnie d'Anzin, en 1789 compte 4.000 ouvriers et 600 chevaux ; elle emploie 12 machines à vapeur ; l'extraction du charbon produit 3.750.000 quintaux ; ses bénéfices s'élèvent à 1.200.000 livres,bien que le prix du charbon ait sensiblement diminué.

 

Ainsi, exploitation scientifique, concentration de nombreux ouvriers, emploi de capitaux considérables : voilà déjà tous les caractères de la grande industrie capitaliste qui se manifestent dans l'industrie houillère avant la fin de l'Ancien Régime.

 

L’industrie du luxe :

 

L’ampleur de « l’accumulation primitive » ( grâce au commerce et à l’usure ) permet des investissements dans l’industrie, comme nous l’avons vu dans l’industrie cotonnière et l’industrie métallurgique mais aussi dans cette industrie qui répond aux nouveaux besoins de ceux qui constituent une nouvelle classe sociale : celle des riches ( noblesse de cour et bourgeoisie enrichit ).

La France est célèbre pour ses produits de luxe : glace, verrerie, draperie fine, soierie, tapisserie, meuble. En 1759 est autorisée la fabrication des toiles peintes qui acquiert rapidement une grande importance ( manufacture d’Oberkampf ).

Voilà qui explique l’idée de J.J Rousseau selon laquelle, les progrès des arts et des métiers génèrent un luxe scandaleux et corrupteur des mœurs.

 

Conclusion :

 

En 1789, le machinisme et la concentration industrielle n'en sont encore qu'à leur début. Le régime prédominant, dans toute la France, c'est celui des petites entreprises, n'occupant que quelques ouvriers.

Voici, par exemple, la généralité d'Orléans, que nous décrit l'Inspecteur Tribert, en 1790 :

- On trouve bien à Orléans une grande filature de coton et il s'en monte une autre à Montargis.

- Mais la fabrication des bas s'opère dans 55 ateliers, employant 2.287 ouvriers, dispersés dans la ville et sa banlieue ;

- la bonneterie au tricot est une industrie rurale qui emploie en Beauce 12.000 personnes ;

- les étoffes de laine et les teintures sont aux mains de fabricants peu aisés ;

- la ganterie est fabriquée par 21 maîtres, qui font travailler 900 ouvriers.

 

 

Sans doute, en France, à la veille de la Révolution, le capitalisme commercial commence à exercer une grande action sur l'industrie. Mais l'évolution y est plus tardive et plus lente qu'en Angleterre ; on ne perçoit encore que les symptômes d'une "révolution industrielle", qui ne s'achèvera qu'un demi-siècle plus tard.

 

e. La "Classe" bourgeoise.

 

Diversité des conditions :

 

Parmi les "Corporations" marchandes, on trouve une grande diversité de conditions :

-Les plus riches sont celles des apothicaires, des imprimeurs et libraires, des orfèvres, des marchands de draps et de toile.

-Plus diverse est la condition des "épiciers".

-Enfin : un grand nombre de petits commerçants

 

Dans la bourgeoisie commerçante, la place la plus haute est tenue par les négociants en gros, qui échappent à l'organisation corporative.

On a déjà vu le rôle qu'ils jouent, comment, dans l'industrie textile surtout, ils commencent à imposer leur domination économique aux artisans. Ils ouvrent directement la voie à la classe des grands patrons industriels.

Dans les ports comme Nantes, Bordeaux, Marseille, ce sont les armateurs qui constituent le principal contingent de la classe des négociants et jouent un rôle prépondérant.

C'est dans la même classe qu'il faut ranger les directeurs de manufactures, qui nous apparaissent parfois comme de grands capitalistes, ainsi que les concessionnaires de mines ; tels les Mathieu, les Tubeuf, gros entrepreneurs qui se trouvent à la tête de puissantes sociétés capitalistes.

 

Mode de vie :

 

Une grande diversité entre le mode de vie des marchands et des grands négociants :

 

- Les marchands, même aisés, vivent très simplement ; ils n'ont pas de salon ; ils mangent dans leur cuisine.

- Au contraire, les négociants ont un train de vie souvent plus luxueux que les nobles. Les armateurs de Nantes, ceux de Bordeaux et de Saint-Malo se font construire de splendides demeures, et ils connaissent tous les raffinements du luxe.

Dans la seconde moitié du siècle, on constate encore un nouveau progrès du luxe et du confort.

 

B. Le sens de l’évolution conduisant à la révolution française

 

I. L’obstacle des rapports féodaux.

 

Jusqu’au XVIII° siècle, les nouveaux rapports de production ( capitalistes ), exigés par le développement de la bourgeoisie, avaient pu s’infiltrer dans l’organisation féodale. Mais, dès le début et au cours de toute l’évolution du XVIII° siècle, le système féodal interdit le développement de ces nouveaux rapports de production : le développement d’un marché national, la concentration des moyens de production, l’emploi de la mécanisation et la libération de la main d’œuvre nécessaire à cette nouvelle économie.

 

1. Dans l’agriculture

 

-Les pratiques collectives liées à l’assolement triennal, les divers droits d’usage, notamment les communaux ( permettent aux paysans de compléter leur production ) interdisent la clôture des champs, l’introduction de nouvelles cultures et le développement de prairies artificielles.

On voit se développer au XVIII° siècle des sociétés régionales d’agriculture qui réussissent à installer de grandes fermes, augmentent le rendement en supprimant la jachère et la remplaçant par la culture de plantes à racine, en substituant les prairies artificielles aux prairies naturelles, en pratiquant également la sélection des races dans l’élevage. Dès lors, l’organisation féodale apparaît bien comme un obstacle.

-La masse de la population française ( environ 80% ) est toujours composée de paysans dont la vie devient de plus en plus pénible mais qui restent alors cramponnés à leurs « tenures ».

C’est ainsi que la libération de la main d’œuvre nécessaire au développement de l’industrie se trouve bloquée.

 

2. Dans l’industrie

 

Le développement économique est également bloqué, notamment par le système des corporations qui réglemente le travail artisanal ( nombre et salaires des compagnons, outillages, quantité et qualité des produits ).

Là aussi, comme dans l’agriculture, la manufacture ouvre une brèche dans le système, mais encore limitée puisque toute manufacture va obtenir du Roi un « privilège ».

 

 

 

 

 

 

3. Dans le commerce

 

Point de liberté non plus.

Le développement du commerce extérieur est freiné par la spécialisation des ports et le monopole accordé aux compagnies en fonction des destinations ( compagnie des indes ).

A l’intérieur le développement du commerce est freiné par le caractère archaïque des moyens de transports, le grand nombre de péages et de douanes intérieurs, la variété des poids et mesures, les différences des coutumes et juridictions.

 

II. La réaction de l’État monarchique et des féodaux aux progrès du développement économique et de la bourgeoisie

 

Au XVII° siècle, l’équilibre entre les deux classes -noblesse et bourgeoisie- permet à l’Etat d’apparaître comme un sorte d’arbitre : d’un côté il favorise le développement de la bourgeoisie pour accroître les richesses dont il est le principal bénéficiaire. D’un autre côté il transforme la noblesse en classe parasitaire pour sauvegarder ses privilèges, parce qu’elle est base du système féodal sur lequel repose son autorité.

C’est ainsi que toutes les réformes proposées par des ministres gagnés aux idées nouvelles ( Turgot ), sont refusées ou rapidement abolies.

L’État monarchique apparaît de plus en plus, notamment à la bourgeoisie, comme un obstacle à son développement et aux progrès de la société.

 

III. Le rôle de l’Église.

L’Église catholique, grand propriétaire foncier, étroitement liée à la noblesse où se recrute le haut clergé, à la royauté qui distribue les bénéfices ecclésiastiques, cautionne de toute sa puissance matérielle et morale l’ordre féodal. Toute attaque contre la société ou la monarchie est présentée comme un crime contre l’Église et contre Dieu. Plus ces attaques grandissent, plus la toute-puissance de l’Église apparaît nécessaire et plus son intolérance augmente. Toute pensée non-conformiste est combattue. Déjà Louis XIV avait repris les persécutions contre les protestants ; pour les « convertir », il envoie des régiments de dragons ( dragonnades ). En 1685, il révoque l’Édit de Nantes et met les protestants hors-la-loi. En 1710, il fait raser le couvent et même le cimetière de Port-Royal, citadelle du jansénisme. Au XVIII° siècle, les « philosophes », les libres-penseurs sont particulièrement visés. Une déclaration du clergé de 1757 rappelle que tous ceux qui ont composé ou répandu des écrits « tendant à attaquer la religion » sont passibles de la peine de mort.

 

 

 

 

C- Les conséquences idéologiques 

 

I. La philosophie des Lumières

 

Dès la fin du règne de Louis XIV ( 1715 ), apparaît d’une part l’esprit critique mettant en cause l’idéologie religieuse et d’autre part une célébration des progrès et des valeurs scientifiques.

-Bayle ( 1647-1706 ), protestant immigré après la révocation de l’Édit de Nantes, dans son dictionnaire « historique et critique » exerce une critique virulente contre la religion, dénonçant le surnaturel, les miracles, et l’esprit de secte ; il développe en philosophie un scepticisme radical.

-Fontenelle ( 1657-1757 ) dans son histoire des oracles dénonce les superstitions à propos des croyances païennes mais cela s’adresse aux prophéties du christianisme. Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, dans ses « entretiens sur la pluralité des mondes », entreprend une œuvre de vulgarisation scientifique, exposant les travaux de Descartes, Leibniz et Newton et offrant au public une synthèse des progrès scientifiques accomplit dans le siècle.

 

C’est selon ces deux axes que va se développer au XVIII° siècle la philosophie des Lumières.

1. La critique du système féodal : des abus de l’Église et de la royauté absolue

 

a. À l’encontre de l’Église :

 

-Montesquieu ( 1689-1755 ) déjà, avant d’écrire « L’Esprit des Lois » fait la satire des institutions et des mœurs dans les « Lettres Persanes » : c’est là qu’il ridiculise le Pape, « ce magicien, qui est une vieille idole que l’on encense par habitude. »

-Voltaire ( 1694-1778 ) est le fer de lance de l’Église et de ses crimes contre l’humanité. Au nom de la tolérance, il condamne toutes les persécutions et se bat pour la réhabilitation de deux protestants : Calas qu’on accusait injustement d’avoir pendu son fils pour l’empêcher d’abjurer ( le protestantisme ). Torturé et roué vif pour un crime qu’il n’avait pas commis ; Sirven accusé à tort d’avoir jeté sa fille dans un puits pour l’empêcher d’embrasser le catholicisme, condamné à mort puis acquitté grâce à l’action de Voltaire. Enfin, il est aussi le défenseur du Chevalier de la Barre, condamné pour avoir chanté des chansons impies lors du passage d’une procession, à qui on arracha la langue, coupa la main, on brûla le corps à petit feu, après l’avoir torturé pour savoir combien il avait chanté de chansons impies.

 

 

 

 

 

b. Contre la noblesse et l’absolutisme royal

 

-Voltaire multiplie les attaques énonçant le parasitisme de la noblesse : « ces seigneurs bien poudrés qui ne savent rien sinon à quelle heure leur Roi se lève et à quelle heure il se couche ».

Il fustige l’arbitraire, depuis l’enrôlement forcé des soldats qu’on fait boire pour les enrôler jusqu’au lettres de cachet.

-Beaumarchais ( 1732-1799 ) portera cette critique à son comble dans « le Mariage du Figaro » où il fait dire à son héros, Figaro : « Parce que vous-êtes un grand seigneur vous vous croyez un grand génie!… Noblesse, fortune, un rang, des places…Qu’avez-vous fait pour tant de bien ? Vous vous êtes donner la peine de naître et rien de plus… ».

-Dans l’Encyclopédie elle-même, sous la plume de Diderot dans l’article « Autorité politique », le pouvoir absolu est résolument dénoncer : « Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander les autres… Le prince tient de ses sujets mêmes l’autorité qu’il a sur eux. Le prince ne peut donc pas disposer de son pouvoir et de ses sujets sans le consentement de la nation. »

 

2. La célébration du progrès et des Lumières

 

Le progrès des sciences et des arts étant lié au progrès de la raison. Chargés de la direction, Diderot et D’Alembert font de l’Encyclopédie plus qu’une entreprise de librairie : un grand ouvrage à la gloire de l’esprit humain. Elle montre les secours mutuels que se prêtent les sciences et le arts et formera « un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ». Elle bénéficiera en outre des progrès considérables qui ont été réalisés dans les sciences et les arts. Ainsi, l’Encyclopédie doit constituer à elle seule une bibliothèque et contribuer « au progrès des connaissances humaines ». Elle a d’abord pour but « d’exposer l’ordre et l’enchaînement » de ces connaissances. D’où une classification des sciences en trois ordres : histoire, philosophie, beaux-arts, fondée sur la distinction des trois facultés : mémoire, raison, imagination. En outre, l’Encyclopédie doit être un « dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers » étudiés dans leurs principes et leurs applications.

Cependant, elle est une œuvre de combat, elle bat en brèche les opinions et les institutions du passé. La doctrine des encyclopédistes est simple : l’humanité n’est pas éternellement condamnée aux mêmes maux, elle est indiscutablement sur la voie du progrès. Or ce progrès est dû non à la théologie qui a humilié la raison devant la révélation, mais aux lumières toutes humaines de cette raison. Le progrès s’est manifesté jusqu’à présent dans les sciences, mais, à mesure que la philosophie étend son empire, il doit aussi se manifester dans les autres domaines : en religion grâce à l’idée de tolérance ; en politique grâce à la suppression des préjugés et à la liberté ; en morale enfin, grâce à une éthique « naturelle », qui, tout en légitimant les passions individuelles, fera le bonheur de l’humanité. Cependant, dans l’Encyclopédie, il n’est question que de l’égalité devant les lois ; les problèmes de l’égalité sociale, de la propriété ne sont pas soulevés.

 

II. Un important courant matérialiste se développe au cours du XVIII° siècle

 

Ce courant est représenté par La Mettrie, D’Holbach, Helvétius, qui développent un matérialisme mécaniste sur la base de la physique mathématique de Descartes et Newton : « Grâce aux travaux de ces grands hommes le monde n’est plus un dieu, c’est une machine qui a ses roues, ses cordes, ses poulies, ses ressorts et ses poids ».

Diderot, dans « la lettres sur les aveugles » (1749), dans « l’entretien entre d’Alembert et Diderot » puis dans « le rêve de D’Alembert » et « la suite de l’entretien » développe des positions beaucoup plus hardies qui annoncent le matérialisme moderne :

- Il proclame son athéisme, niant catégoriquement  qu’« une intelligence suprême est fait, ordonné, disposer tout à quelque bien général et particulier ».

- Convaincu que le mot liberté est vide de sens, -les hommes étant déterminés par « l’éducation et la chaîne des événements »-, il condamne la morale fondée sur l’existence de l’homme immortel et sur la conscience ; affirmant que l’homme est bon par nature, il considère que l’homme trouve dans les impulsions de son cœur le meilleur guide. Au lieu d’une morale individuelle qui juge et condamne au nom du bien et du mal ( les valeurs ), il propose de réformer l’homme par l’éducation et l’institution sociale. Il écrit : « la vie intérieure n ‘est rien, le vie sociale est tout ». Il développe un matérialisme qui va au-delà du mécanisme : s’il est vrai que seul existe la matière, il faut  l’imaginer douée de mouvements et de sensibilité de sorte qu’elle est capable d’expliquer « tout ce qui est produit dans l’univers depuis la pierre jusqu’à l’homme ». Selon lui,du minéral à la plante, de la plante à l’animal, il n’y a pas de rupture dans la chaîne qui constitue l’univers. Ainsi on ne saurait comprendre la sensibilité et la conscience humaine comme une âme qui viendrait s’incarner dans un corps : la vie et la mort sont les deux faces de l’être vivant.

 

III. Le tournant du siècle

 

Plus on avance dans le XVIII° siècle plus la bourgeoisie s’aperçoit de l’impossibilité d’un compromis politique avec une noblesse attachée à ses privilèges et avec une monarchie absolue incapable de se réformer parce qu’elle lie son pouvoir à la pérennité du système féodal. C’est ainsi qu’elle va être conduite à une mise en cause du pouvoir, à une révolution politique mais, -et c’est là sans doute le tournant du siècle-, plus elle se tourne vers une solution politique, plus la critique bourgeoise se répand dans les couches populaires, non plus seulement la riche bourgeoisie mais celle des petits producteurs industriels et agricoles.

L’extrême misère paysanne ainsi que la situation dégradante que constitue le travail des femmes et des enfants dans les manufactures conduisent les philosophes à réfléchir sur les problèmes sociaux.

- Ainsi naissent dès le milieu du siècle des utopies destinées à résoudre la question paysanne, tel « le code de la nature » ( 1755 ) de Morelly qui prône la communauté des biens.

- J.J.Rousseau, fils d’un pauvre horloger genevois est celui qui se fait le plus directement l’écho des couches populaires, -étant selon ses propres termes  « celui qui gémit sur les misères des peuples et qui les éprouve », il va être amener à critiquer la philosophie des Lumières comme idéologie du progrès et, pour découvrir les causes de cette misère à s’interroger sur le fondement de l’inégalité sociale. Il sera le sujet de notre étude.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
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