Le mythe de l'origine

 

Le mythe de l’origine

 

 

Le soleil rouge est enchâssé comme un Œuf dans l'intervalle de deux flèches aux barbes hérissées : L'Œuf comme Origine est dévoré par la dentelure de la Cordillère.

 

Ma face d'indien raviné de crevasses est rouge par le feu qui saigne Là-haut.

C'est le sacrifice de l'Origine.

 

Le ventre arrondi des femmes, à la lecture de la similitude, va s'ouvrir cette nuit-là, sans aucun doute.

 

Au matin, sur les rochers encore chauds de l'astre éteint, les petits hippocampes nés de la nuit vont tenter l'aventure.

Nombreux sont ceux qui avant le jour n'auront pas la chance de rejoindre dans les creux entre pierres la flaque humide qui les sauverait.

Ils inscriront la nervure de leur faible squelette comme trace fossile sur la peau lisse des rochers.

 

Reste ceux qui vont devoir survivre, se calcifier puis se battre avant que l'Origine n'explose une nouvelle fois pour ouvrir le monde à la concurrence anarchique.

 

L'Œuf contient tout, comprend tout. C'est à cause de cela qu'il est appelé à juste titre l'Origine. Et sans les explosions de l'Œuf selon le Cycle, il n'y aurait rien.

Mais qui le sait ? - Peut-être les vieillards ; et encore peu d'entre eux car ils sont souvent victimes de l'illusion de la subsistance ; quelques uns seulement, qui à cause de cela sont réputés détenir la sagesse : Ceux-là choisissent toujours l'occasion d'une explosion de l'Œuf pour découdre leur vie.

 

L'explosion de l'Œuf a sacré les lézards aux colliers de safran ; car les lézards sont les seuls à conserver à la jointure de la tête et du corps les anneaux de soleil hérités de l'Origine.

 

Les colliers aux cous des femmes et des chefs imitent lointainement le privilège des lézards mais aucun d'eux, ni femme ni chef, malgré les souffrances qu'ils s'imposent, n'a réussi à incruster dans sa peau la couleur de l'or.

Leurs privilèges reposent sur l'imitation des lézards sans que rien ne change dans la chair.

 

Aussi, tous les peuples qui conservent le souvenir ou la tradition de l'Origine ont-ils inscrit sur les objets d'usage l'image du lézard. Le couvercle du coffret aux herbes, de la fiole aux huiles et même la planche où s'appuie le pied qui fait tourner la navette conservent le relief du corps du lézard.

Plus subtile est la cruche où s'inscrit de bas en haut son corps vertical jusqu'à la jointure seulement, car la tête, coupée, a disparu dans la cruche. Chaque gorgée de boisson dès lors contient le poison qui donne au buveur la force de l'Origine.

 

Malheur à ceux qui ont perdu le secret de la source et de la force du poison.

 

Mes yeux tachés de l'or des lézards aux colliers de safran sont aveugles à tout autre visage du monde. Mon sort est lié à la survivance de cette espèce privilégiée, héritière des anneaux de soleil qui la relient à l'Origine comme une chaîne.

 

Je sais qu'il me faut attendre une nouvelle explosion de l'Œuf pour renouer avec le Cycle dans le seul espoir de renaître, cou couronné de safran.

 

Dès à présent, par la grâce du lézard, ma pérégrination n'a plus rien à voir avec le hasard.

 

Je suis "repéré" et rattaché au Cycle.

 

 

 

 

*

* *

 

 

 

 

 
 
Toute l'actualité
 

A la une 

 
Toute l'actualité