égalité femmes hommes

 
Egalité femmes - hommes
 
 
 
 
La question des rapports de la femme et de l’homme constitue un test des progrès de la citoyenneté.
Si la citoyenneté n’est pas seulement l’égalité devant la loi, mais, dans la pratique, l’égalité des chances, c'est-à-dire des possibilités offertes aux individus de développer leurs capacités pour accéder à un même espace de vie, où ils puissent manifester leur personnalité, il faut poser la question :
Où en est-on des rapports des hommes et des femmes non seulement d’un point de vue législatif, mais aussi dans les faits ?
 
 
 
I.HISTORIQUE du PROBLEME
 
 
1) Nous partirons de la révolution de 1789 où pour la première fois apparaissent des revendications concernant le statut de la femme jusqu’alors entièrement soumise à l’autorité parentale puis à l’autorité maritale. Pour ne prendre que deux exemple, Condorcet en 1790 dans son article « Sur l’admission des femmes au droit de cité » revendique l’octroi de droits politiques aux femmes, et préconisent le développement de l’instruction des femmes.
Olympe Georges publie en 1791 une brochure intitulée Les droits de la femme et de la citoyenne, dans laquelle elle  réclame l’égalité complète des droits entre l’homme et la femme, soutenant dans une formule célèbre que « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir celui de monter à la tribune ».
 
2) Ces revendications émancipatrices sont définitivement reléguées après la révolution : Le code civil napoléonien de 1804 officialise le principe d’infériorité de la femme faisant de celle-ci une mineure à vie placée sous la tutelle du père puis sous celle du mari, seul autorisé à gérer les biens communs et disposant même d’un droit de contrôle sur sa correspondance.
 
3) Jusqu’à la commune de Paris et à l’instauration de la Troisième République, malgré le mouvement romantique qui idéalise la femme, malgré les mouvements utopistes saint-simoniens et fouriéristes qui proclament l’égalité de l’homme et de la femme, malgré le féminisme avant l’heure d’un écrivain comme Flora Tristan qui qualifie la femme de prolétaire du prolétaire, on constate fort peu de changement au statut de la femme :
         -Les femmes sont exclues du suffrage universel instauré en 1848 par la Seconde République.
         -La seule évolution concerne l’enseignement avec l’adoption en 1850 de la loi Falloux qui prévoit la création d’école de filles. (La première bachelière apparaît en 1861)
 
4) De la commune de Paris, où les femmes ont participé à l’insurrection de mars-mai 1871, telle Louise-Michelle, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, malgré le développement de plusieurs mouvements féministes, les uns d’obédiences marxistes, représentés par Paul Lafargue (Gendre de Marx) d’autres mouvements de femmes appartenant à la bourgeoisie telle L’union Fraternelle des femmes, malgré un mouvement suffragiste qui se développe à la fin du XIX° siècle et le congrès féministe international de 1900 qui revendique le suffrage universel.
Les résultats sont encore très limités :
         Amélioration de la législation sociale (réduction progressive de la journée de travail, octroi d’un congé maternité sans traitement)
-Renforcement des droits civils :
         1884 : Loi rétablissant le divorce.
         1907 : Loi permettant aux femmes mariées de disposer de leur                              salaire.
         1938 : Loi supprimant l’incapacité civile de la femme (Le mari                     pouvait s’opposer à ce que la femme exerce une profession).
-Développement de l’instruction : Création d’un enseignement secondaire    féminin en 1880, Baccalauréat féminin en 1919, accès progressif aux         facultés et à un certain nombre de professions libérales.
 
5) Les véritables progrès apparaissent après la Seconde Guerre Mondiale :
La principale avancée est l’ordonnance du 21 avril 1954 accordant le droit de vote et d’éligibilité aux femmes.
On assiste alors, notamment après la publication du livre de Simone de Beauvoir : Le Deuxième Sexe, au développement de nombreux mouvements féministes. (Le mouvement français pour le planning familial en 1956, MLF Mouvement de libération des femmes –en 1970 Choisir, Mouvement de libération de l’avortement et de la contraception en 1973) ayant pour but d’obtenir l’égalité des droits dans le domaine de la vie quotidienne afin de permettre à la femme de concilier ses rôles traditionnels d’épouse et de mère et son activité professionnelle. Différents ouvrages, publiés entre 1965 et 1975 illustrent ses courants : Demain les femmes D’Evelyne Sullerot, La Cause des Femmes de Giselle Halimi, Ainsi soit-elle de Benoîte Groult.
 
A partir de ce moment, on peut placer les différentes modifications du statut des femmes sous trois chapitres :
Conclusion : Le progrès des droits
  1. Les avancées en matière civile :
-1965 : Renforcement des droits de la femmes en matière de gestion des biens du ménage ; la femme peut exercer toute profession de son choix et ouvrir un compte en banque sans le consentement du mari.
-1970 : Substitution du principe de l’autorité parentale à celui de l’autorité paternelle. La notion de chef de famille disparaît.
-1975 : Instauration du divorce par consentement mutuel.
-1983 : La notion fiscale de chef de famille est supprimée et la signature des deux conjoints est désormais prévue sur la déclaration des revenus.
-1984-1985 : Reconnaissance, puis renforcement de l’égalité des époux dans la gestion des biens des enfants et de la communauté.
 
  1. Les avancées dans la vie quotidienne :
-1967 : La loi Neuvirth légalise la contraception.
 
-La question de l’avortement (criminalisé depuis 1920)
En 1971 : Manifeste des 343 (343 femmes ayant subi un avortement)
En 1972, procès de Bobigny (D’une jeune fille, poursuivie pour avoir avorté à la suite d’un viol, défendue par Giselle Halimi).
En 1975, Vote la loi Weil, autorisant l’avortement sous certaines conditions.
-En 1992, instauration de peines aggravées pour les violences conjugales.
 
  1. Les principales avancées sur le plan politique :
 
-Loi du 6 juin 2000, tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, dite loi sur la parité : La loi concerne les élections municipales pour les communes de plus de 3500 habitants, les élections régionales, les élections de Corse, les élections sénatoriales à la proportionnelle, les élections législatives et les élections européennes. Elle traduit en droit électorale la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 et impose pour toutes les élections au scrutin deux listes 50% de candidats de chacun des deux sexes (à une unité près) : Pour les élections sénatoriales européenne, l’alternance un homme/une femme est obligatoire du début à la fin de la liste ; Pour les élections municipales, régionales et l’assemblée de Corse, la parité devra être respectée par tranche de six candidats ; les listes ne respectant pas la parité ne seront pas enregistrées. Pour les élections législatives, la loi prévoit de pénaliser financièrement les partis et groupements politiques qui n’auront pas présenté 50% de candidats de chacun des deux sexes (à 2% près).
 
 
Face à ces progrès du droit, qu’en est-il du statut de la femm
                                                        
II.LE STATUT ACTUEL de LAFEMME
 
 
 
À l’aube du XXIe siècle, au terme de trois décennies de bouleversements très importants, la situation des femmes dans la société française reste cependant contradictoire et apparaît ouverte sur des possibles multiples et opposés.
Les acquis sont importants, mais demeurent limités et fragiles. À l’école, au travail, au sein du couple ou de la famille ou encore dans l’espace public, les femmes occupent une position qui reste encore, le plus souvent, subalterne. Cette infériorité sociale des femmes peut se vérifier à différents niveaux, même si, pour l’essentiel depuis les années 1960, les rapports entre hommes et femmes se sont assez largement modifiés. Cette transformation des rapports sociaux de sexe dans le sens d’une plus grande égalité entre hommes et femmes est en effet bien loin d’être achevée. L’examen détaillé de l’évolution récente permet précisément de nuancer l’ampleur de ces transformations.
En premier lieu, on peut observer des transformations au sein des rapports inégalitaires traditionnels entre hommes et femmes, au niveau des pratiques et des structures qui les engendrent et les maintiennent. Ces transformations ont souvent réduit sensiblement les écarts entre hommes et femmes et ont donc permis à ces dernières d’effectuer des pas sur la voie de leur émancipation comme sujets à la fois personnel et collectif. Nous pensons ici en particulier à l’accès des femmes aux études et à une activité professionnelle salariée.
En deuxième lieu,et c’est un fait massif malgré les apparences, ces rapports inégalitaires, quelquefois simplement déplacés ou transformés, perdurent. Si le phénomène a été largement souligné pour ce qui est de la vie publique, et plus particulièrement de la vie politique, il est tout aussi marqué dans l’espace domestique.
Enfin, de nouvelles formes d’inégalités sont apparues, nées de la collision entre les inégalités traditionnelles maintenues et les transformations a priori positives survenues au sein des rapports entre hommes et femmes, autant d’effets pervers de ces transformations par ailleurs libératrices.
 
                       
 
 
 
 
                           A. Les inégalités
 
1.) Inégalité au plan professionnel
 
Ces dernières décennies ont également vu se réduire considérablement les différences de taux d’activité entre hommes et femmes. On a assisté à une entrée massive des femmes dans le salariat : depuis le début des années 1960, elles ont investi le monde du travail (tabl. 2) . Le nombre d’hommes actifs est resté relativement stable, autour de 14 millions, mais le nombre de femmes actives est passé de 7 millions à plus de 12 millions. Même si on tient compte des seuls actifs occupant un emploi, les chiffres sont tout aussi parlants : de 1962 à 1999, le nombre des hommes a légèrement reculé, tandis que le nombre de femmes progresse de près de 4 millions. Le mouvement ne s’est pas ralenti depuis le milieu des années 1970, en dépit de la difficulté grandissante à trouver un emploi. En 1999, plus de 80 p. 100 des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans sont désormais actives, contre à peine 50 p. 100 d’entre elles au début des années 1970. Dans les jeunes générations (de vingt-cinq à trente-neuf ans), les femmes sont actives à plus de 90 p. 100 quand elles sont sans enfant, à plus de 80 p. 100 encore avec deux enfants, et même à près de 55 p. 100 pour les mères de trois enfants et plus.
Toutes ces transformations s’effectuent dans un contexte de forte augmentation de la part des salariés dans la population active : en 1997, 83,5 p. 100 des hommes et 89 p. 100 des femmes occupant un emploi sont des salariés. Parmi les salariés, la part des femmes est passée d’environ 41 p. 100 en 1982 à 47 p. 100 à la fin des années 1990.
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Le modèle de la femme au foyer a été délaissé par la très grande majorité des femmes. Le travail féminin est devenu un phénomène social massif. Il est maintenant inscrit fortement dans la réalité sociale et tout semble indiquer qu’il est devenu un phénomène irréversible. Le travail des femmes participe désormais à la construction de l’identité féminine : les filles, à l’école, se préparent à un métier comme les garçons, et très rares sont celles qui ne cherchent pas d’emploi à l’issue de leur scolarité.
 
Les conditions d’emploi
 
Si le taux d’activité des femmes n’a cessé d’augmenter depuis les années 1970, dans un contexte de dégradation générale de la situation de l’emploi, c’est aussi au prix d’un taux de chômage et de précarité des femmes bien supérieur à celui des hommes ; et cela malgré leur insertion plus réduite dans le secteur industriel, lequel a perdu beaucoup d’emplois depuis 1975. L’augmentation de leur activité est due en très grande partie à la progression de « formes particulières d’emplois » (c’est-à-dire les différentes formes de travail précaire et de sous-emploi) : contrats à durée déterminée, « emplois aidés » de diverses natures, travail à domicile, travail au noir, travail intérimaire, sans compter le travail à temps partiel qui s’adresse massivement aux femmes. L’ensemble de ces « formes particulières d’emplois », y compris le temps partiel, représente aujourd’hui plus de 5 millions d’emplois contre 2 millions en 1982. Autrement dit, les femmes plus que les hommes ont été les victimes de la déréglementation néo-libérale du rapport salarial.
La montée rapide du travail à temps partiel est le signe avant-coureur d’une remise en cause de la dynamique de l’emploi des femmes. En effet, depuis 1980, la progression de l’emploi féminin correspond pour 80 p. 100 à une augmentation du recours au travail à temps partiel. Tous les emplois nouveaux créés dans le secteur tertiaire destinés aux employés, qui sont très majoritairement des femmes, sont des emplois à temps partiel. Le travail à temps partiel doit donc être considéré, comme l’ont souligné à juste titre les sociologues Margaret Maruani et Chantal Nicole, comme « l’ennemi principal de l’égalité devant l’emploi ».
Ce développement du travail à temps partiel résulte avant tout des politiques de gestion de la main-d’œuvre des entreprises et des incitations gouvernementales. Pour justifier ces dernières, on invoque souvent une « demande sociale des femmes » pour concilier travail et famille. Le temps partiel concerne pourtant d’abord les femmes de moins de vingt-cinq ans, qui ne sont pas celles qui sont les plus écrasées par les charges domestiques, et les plus de cinquante ans, qui en sont pour l’essentiel dégagées. Sans vouloir dénier toute réalité à cette fameuse « demande sociale des femmes », il convient surtout de souligner combien elle est contrainte, du fait de leur prise en charge du travail domestique et en raison des évolutions du marché du travail déjà évoquées. Le temps partiel contribue en fin de compte, et cela de manière décisive, à une redéfinition du statut du travail et de l’emploi, sur la base d’un critère de sexe. L’insertion professionnelle des jeunes femmes est de plus en plus difficile et contraste avec leur meilleure réussite scolaire.
Mentionnons encore parmi les mesures publiques dont les effets sont très problématiques pour les femmes la mise en place en 1985 de l’allocation parentale d’éducation, suivie en 1994 de son extension au deuxième enfant. Cette prestation constitue de facto une mesure de politique de l’emploi bien que présentée comme une mesure de politique familiale. Elle contribue avant tout à retirer du marché du travail un nombre non négligeable de femmes pour qui la reprise d’activité ne sera pas aisée.
 
A qualification égale, inégalités des salaires :
Ecarts de salaire par rapports aux hommes
70%pour les dirigeants d’entreprise
77% pour les cadres
87% pour les professions intermédiaires
93% pour les employées
83% pour les ouvriers
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Accès très limité à la promotion des carrières dans l’entreprise. (Femmes PDG, la maternité étant considérée encore comme un obstacle à l’emploi et à la promotion des femmes …)
 
2.) Inégalité dans  la vie privée
        
En dépit des évolutions indiquées plus haut, notamment la poursuite des études et la montée de l’activité professionnelle, les femmes assurent toujours l’essentiel du travail domestique. Celui-ci inclut diverses activités : tâches ménagères proprement dites, gestion des revenus et du patrimoine de la famille, éducation des enfants ou organisation de l’espace-temps familial. Ces activités représentent une somme de travail énorme, qui dépasse en importance celle qui est mesurée annuellement par le P.I.B. Elle est pourtant longtemps restée invisible.
 
a) Le partage des tâches ménagères
 
Les tâches ménagères désignent les tâches d’entretien matériel des membres de la famille, du logement et de son équipement. Elles constituent l’aspect le plus visible parce que le plus massif du travail domestique. La mécanisation et la socialisation partielle de ces tâches ont fait disparaître les plus astreignantes, les plus sales et les plus dangereuses. En ce sens, la charge quotidienne de travail domestique, dont les femmes ont supporté le poids des siècles durant et jusque dans les années 1950, s’est incontestablement allégée. Le raccordement des foyers sur les réseaux d’eau courante et d’eaux usées, de gaz et d’électricité, les appareils électroménagers comme le lave-linge hier, le lave-vaisselle aujourd’hui, dispensent les femmes de longues et pénibles tâches quotidiennes, de surcroît peu gratifiantes, ou les réduisent fortement. Le recul de l’auto-production alimentaire et vestimentaire, comme le développement de la restauration hors domicile (sur les lieux de travail ou d’enseignement) a produit des effets analogues de réduction de la charge domestique.
Mais, en dépit de ces progrès, c’est aux femmes qu’incombe l’essentiel de ces tâches ménagères d’entretien, malgré leur entrée massive dans le salariat.
 
Les tâches ménagères sont aussi inégalement réparties quant à leur nature. Bernard Zarca a pu ainsi distinguer trois grandes catégories de tâches.
-Les « tâches féminines », prises en charge « quasi exclusivement par les femmes », comprennent notamment tout ce qui concerne le linge (lavage, repassage, raccommodage) mais aussi le nettoyage des sanitaires ; les hommes ne les assurent que dans moins de 5 p. 100 des cas, même s’ils peuvent y participer à titre secondaire dans 10 à 20 p. 100 des cas.
-Les « tâches masculines », prises en charge « très majoritairement par les hommes », comprennent essentiellement le portage du combustible (bois, charbon, mazout), l’entretien de l’automobile (lavage, réparation) et le bricolage ; les femmes prennent cependant plus souvent ces tâches « masculines » en charge (dans 10 à 20 p. 100 des cas) que les hommes ne prennent en charge les tâches « féminines ».
Quant aux « tâches négociables », qui « continuent d’être prises en charge par une majorité de femmes, mais [auxquelles] plus d’un tiers des hommes, et parfois même plus des deux tiers [...] participent », elles regroupent notamment les courses, la cuisine, la vaisselle, le ménage, etc. ; « ces tâches peuvent être effectuées à égalité dans une proportion non négligeable de cas : jusqu’à 10,6 p. 100 pour les courses », alors que ce n’est le cas que dans une infime minorité (2 à 3 p. 100) en ce qui concerne les tâches « masculines » ou « féminines ». Seules certaines tâches « négociables » (la vaisselle, les courses, la cuisine) semblent avoir été un peu plus assumées par les hommes depuis les années 1970.
Cette division repose sur des oppositions qui véhiculent une image conventionnelle des attributs et vertus censés être spécifiquement masculins ou féminins. Aux femmes, les travaux « légers », supposant la maîtrise de savoir-faire traditionnels et/ou liés à la propreté (du lieu, des vêtements) ; aux hommes, les travaux de force ou supposant la maîtrise d’objets et d’instruments techniques modernes, et plutôt tournés vers l’extérieur. Tandis que les tâches féminines sont plutôt de l’ordre de la reproduction, impliquant la répétition périodique (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, saisonnière) des mêmes gestes et des mêmes opérations, avec ce que cela implique de routine, de sentiment d’ennui et même de vacuité, les tâches masculines sont davantage de l’ordre de la production, voire de la création, suscitant la fierté de soi et la reconnaissance d’autrui : le résultat d’un bricolage réussi est plus « visible » qu’un tas de linge repassé ou même un ménage bien fait. C’est au contraire lorsqu’il n’est pas fait ou mal fait qu’un « ménage » se voit... Évidemment, selon les milieux socioculturels, la division des tâches ménagères est plus ou moins accentuée. L’intensité de cette division varie aussi en fonction du niveau de formation des conjoints : plus celui-ci est élevé, plus les hommes acceptent de participer aux tâches « féminines » ou « négociables ».
En étudiant la gestion du linge par de jeunes couples partageant l’idéologie égalitaire, Jean-Claude Kaufmann est parvenu à mettre en évidence le processus de reproduction, en leur sein, de la division traditionnelle des tâches ménagères. Dans un premier temps, sous l’emprise de l’exigence égalitaire, ces tâches sont accomplies à tour de rôle par les deux conjoints. Rapidement, cependant, un autre partage intervient, chacun des conjoints délimitant un « territoire personnel », un ensemble de tâches ménagères dont il prend la charge : à l’un la cuisine, à l’autre le ménage, etc. Le passage d’un partage à l’autre s’accomplit sous la pression de l’inégale disponibilité des conjoints selon les différents moments de la journée ou de la semaine ; mais aussi et surtout selon des inégalités de compétence et plus encore d’exigence de chacun en matière de tâches ménagères, héritées de leur histoire réciproque.
Or ces héritages ne sont pas les mêmes pour un homme ou une femme : par son éducation, une femme est généralement plus apte à accomplir la plupart des tâches ménagères qu’un homme, tandis que l’accomplissement de ces tâches lui paraît simultanément plus important ou plus urgent qu’à son conjoint. En conséquence, elle aura plus tendance à se charger de ces tâches, aussi bien parce qu’il lui en coûte moins de les accomplir que parce qu’elle les jugera plus nécessaires mais aussi mieux accomplies par elle. Et l’homme s’en déchargera pour des raisons inverses des précédentes. Ainsi s’insinue progressivement une division inégalitaire des tâches domestiques.
 
b) La prise en charge des enfants
Elle recouvre les soins donnés aux nourrissons, la garde des enfants, la surveillance de leurs devoirs et leçons quand ils sont scolarisés, la participation à leurs jeux intérieurs et extérieurs, les promenades et sorties avec eux, etc. Les pères consacrent en moyenne à peine une vingtaine de minutes par jour à leurs enfants, les mères actives s’en occupent pendant près d’une heure et les mères inactives plus de deux heures. Cette inégalité se confirme lorsqu’on détaille les différentes tâches qu’implique cette prise en charge. La garde des enfants en bas âge non scolarisés, quand elle n’est pas prise en charge par une structure collective ou un tiers, incombe encore quasi exclusivement aux femmes. De même, ce sont le plus souvent elles qui les gardent lorsqu’ils sont malades. Cette situation les conduit fréquemment à rogner sur leurs jours de congé. Comme si, une fois de plus, l’activité professionnelle de la femme et les enjeux qu’elle représente restaient en définitive secondaires au regard de sa mission maternelle. Ce sont également les mères qui se chargent essentiellement de l’aide au travail scolaire de leurs enfants. Elles y consacrent en moyenne deux fois plus de temps que les pères. C’est aussi la mère qui, beaucoup plus fréquemment que le père, prend contact avec les enseignants. Là encore cependant, il existe d’importantes différences entre les milieux sociaux : c’est chez les ouvriers et les agriculteurs que le père rencontre le moins souvent les enseignants.
 
c) Le pouvoir au sein du couple
 
La structure du pouvoir aujourd’hui majoritaire au sein des couples apparaît peu égalitaire. L’homme y reste en position dominante. Certes, il partage le plus souvent la fonction de direction avec sa conjointe. Cependant, il continue à soustraire du champ de compétence de cette « direction collégiale » les décisions concernant son activité professionnelle propre, alors qu’à l’inverse, dans la majorité des cas, il continue à prendre part aux décisions concernant l’activité professionnelle de son épouse.
Les dépenses importantes seraient engagées après discussion collective, les arguments du mari l’emportant le plus souvent. L’épouse gérerait plutôt les petites dépenses au quotidien (nourriture, services, vêtements, loisirs, etc.). Surtout, l’homme parvient visiblement à se décharger sur son épouse d’une bonne partie des activités d’intendance et d’entretien. Autrement dit, si la direction est désormais le plus souvent collégiale, l’intendance et la « production » restent encore essentiellement l’affaire des femmes. Et c’est bien en cela qu’elles continuent à être dominées.
Différents facteurs sont susceptibles de favoriser un rééquilibrage du pouvoir domestique en faveur des femmes : l’entrée dans le salariat, un bon diplôme, une position favorable dans la hiérarchie socioprofessionnelle. Inversement, la présence d’enfants semble favoriser le maintien ou l’introduction d’un partage inégal du pouvoir. On comprend aussi à partir de là la défiance de plus en plus grande de certaines jeunes femmes à l’égard de l’entrée prématurée et sans condition dans les rapports conjugaux et familiaux.
 
L’enjeu d’un rééquilibrage total dans la division du travail domestique est plus fondamental encore. Il y va en effet de l’identité même des hommes comme des femmes, identité qui s’est précisément définie dans et par des modèles familiaux fondés sur cette division traditionnelle. Les acteurs du couple contemporain sont traversés par la contradiction entre leur exigence d’égalité, qui plaide en faveur de l’abolition de la division sexuelle du travail domestique, et leur identité personnelle, reposant en partie sur cette division.
Quoi qu’il en soit, la division sexuelle du travail domestique est bien le nœud de toutes les inégalités entre hommes et femmes. Couplée avec la maternité dont elle renforce le poids, elle fait obstacle sinon à l’entrée et au maintien des femmes dans le salariat, du moins à un investissement professionnel des femmes équivalent de celui des hommes, et, partant, à des carrières professionnelles aussi prestigieuses ou continues que celles des hommes.
Plus fondamentalement encore, en maintenant des rapports inégalitaires au sein de l’espace familial dans lequel se façonne très tôt l’identité sexuelle des individus, cette division renforce des modèles inégalement valorisés et valorisants de l’homme et de la femme, conduisant non seulement les jeunes filles à intégrer très tôt l’idée que, en dépit de tout, l’essentiel des tâches domestiques leur reviendra en lot conjugal, mais encore à adapter en conséquence leurs ambitions scolaires et professionnelles. C’est bien en définitive dans les rapports conjugaux et familiaux, sous couvert de l’amour, que continue à se reproduire, aujourd’hui comme hier, l’inégalité fondamentale entre hommes et femm
 
3.) Inégalité au plan politique :
        
L’antique monopolisation par les hommes de l’espace public s’est pour l’essentiel maintenue jusqu’à présent. Pour s’en tenir à deux chiffres, l’Assemblée nationale élue en 1997 comptait à peine 10 p. 100 de femmes, et au Sénat, il y avait moins de 6 p. 100 de femmes à la même époque. Le Parlement français au seuil du XXIe siècle fait ainsi à peine mieux que celui de la république islamique d’Iran. L’essentiel se jouera à l’avenir dans la mise en œuvre effective de la parité désormais encouragée par la Constitution (loi constitutionnelle du 8 juillet 1999).
 
 
        
             B. L’ambiguïté des progrès
 
 
 
1) Une meilleure scolarisation des filles et le développement de l’activité professionnelle des femmes
 
Dans les dernières décennies du XXe siècle, les filles ont rattrapé puis dépassé les garçons sur le plan scolaire : durée moyenne des études, niveau moyen de diplômes, taux de redoublement ou de retard scolaire, taux de réussite aux examens, niveau moyen aux épreuves de contrôle des acquis scolaires, etc. Cela se vérifie au niveau de l’enseignement primaire et secondaire, de même que dans les deux premiers cycles du supérieur. Il faut attendre le troisième cycle du supérieur (et encore, dans certaines filières seulement) pour observer le maintien de la traditionnelle supériorité masculine.
Le résultat de la progression de la scolarisation féminine est spectaculaire.
 
Mais, la progression de la qualification féminine permet au système capitaliste de diminuer le coût des salaires en employant des femmes dont le salaire est inférieur à qualification
 
2) Diffusion de la contraception médicale et conquête de l’autonomie à l’égard des rapports conjugaux
 
Plus de trente ans après la loi Neuwirth (1967), plus de deux femmes sur trois entre vingt et quarante-quatre ans emploient une méthode contraceptive, et parmi ces dernières près des deux tiers utilisent la pilule et un quart le stérilet. Il n’y a plus aujourd’hui qu’une petite minorité de femmes (3 p. 100) qui encourent le risque d’une grossesse non désirée. Cette maîtrise par les femmes de leur fécondité leur aura permis de limiter les naissances (en fait, le mouvement en ce sens est amorcé depuis plus de deux siècles) et surtout de maîtriser le calendrier de celles-ci. Ces conditions sont essentielles pour l’entrée comme pour le maintien des femmes dans le salariat.
L’ensemble des mouvements précédents – meilleure formation et qualification professionnelle, entrée massive dans le salariat, maîtrise de leur fécondité – ont permis aux femmes de conquérir une plus grande autonomie dans les rapports conjugaux, notamment quant à leur entrée et à leur maintien dans une relation conjugale. Les femmes ont ainsi été pleinement actrices des transformations qui ont touché les relations conjugales au cours de ces toutes dernières années : développement de la cohabitation hors mariage, développement du divorce aussi, développement du célibat surtout parmi les femmes les plus diplômées et les plus formées
 
Mais, les femmes qui ont pris une part active au processus de « libéralisation » des relations conjugales, en sont aussi les principales victimes. Cela apparaît notamment quand on envisage les conséquences inégales de la séparation, toujours plus lourdes pour les femmes que pour les hommes. Dans ce cas, en effet, la garde des enfants leur est confiée neuf fois sur dix, ce qui entraîne une dégradation de leur situation matérielle et financière, mais aussi de leur situation relationnelle (notamment quant à la possibilité de reformer un couple). On voit là comment une avancée sur un plan (une plus grande autonomie dans les relations conjugales), couplée avec le maintien des relations inégalitaires (l’assignation des femmes à l’ordre domestique, en l’occurrence à la garde des enfants), se traduit en définitive par une dégradation ou, du moins, une fragilisation de la situation des femmes.
 
 
Conclusion
 
La dialectique d’invariance et de changement dont nous avons tenté de rendre compte résulte en premier lieu de la dynamique générale de la société, qui traduit selon nous la profonde emprise des rapports capitalistes de production sur l’ensemble des structures et des pratiques sociales. Mais nous avons aussi reconnu, dans les changements de la situation des femmes, l’œuvre, elle aussi contradictoire, d’un nombre grandissant d’entre elles. En contribuant à l’ébranlement des rapports patriarcaux, elles ont su revendiquer et conquérir une autonomie nouvelle.
Sujétion maintenue ou renouvelée dans ses formes, mais aussi autonomie et recherche d’autonomie grandissantes, tels sont bien les deux pôles conflictuels entre lesquels s’inscrit désormais et provisoirement l’existence des femmes dans la société française, avec tout le dégradé des nuances et des transitions entre les deux.
Les progrès accomplis sur la voie d’une égalité entre hommes et femmes ont donc un caractère limité et les incertitudes quant à l’avenir des acquis récents en ce domaine restent importantes. On constate, par exemple, que le mouvement de réduction des écarts de salaires entre hommes et femmes observé entre le début des années 1960 et le milieu des années 1980 s’est ensuite trouvé bloqué et que, parallèlement, les pressions cantonnant les femmes au temps partiel s’accentuent de plus en plus.
L’émancipation féminine reste donc une œuvre inachevée, à poursuivre, en prenant appui sur les acquis qui ont permis aux femmes de devenir, partiellement au moins, actrices de leur propre destin comme de celui de la société entière. Sur cette voie, le principal obstacle demeure la perpétuation de la division inégalitaire des tâches et des fonctions au sein du couple et de la famille, qui assigne encore en priorité les femmes à l’univers domestique. De quelque côté que l’on se tourne, c’est toujours à cet obstacle que l’on se heurte dès lors que l’on cherche les raisons de la perpétuation du statut d’infériorité de la femme. C’est, avec la mixité de la représentation politique, l’aspect des rapports hommes/femmes qui a le moins bougé au cours des trois dernières décennies. Là se situe bien le noyau dur de la domination masculine contemporaine.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Egalité hommes - femmes
dans la sphère privée
 
 
La question des rapports de l’homme et de la femme constitue un test des progrès de la citoyenneté.
Si la citoyenneté n’est pas seulement l’égalité devant la loi, mais, dans la pratique, l’égalité des chances, c'est-à-dire des possibilités offertes aux individus de développer leurs capacités pour accéder à un même espace de vie, où ils puissent manifester leur personnalité, il faut poser la question :
Où en est-on des rapports des hommes et des femmes non seulement d’un point de vue législatif, mais aussi dans les faits.
 
Le problème de l’égalité hommes - femmes a pris, notamment sur la scène médiatique, la forme de la question de la parité dans le domaine public : vie politique et vie professionnelle pour constater que les progrès dans ce domaine sont très limités. C’est la réduction de ces inégalités qui, actuellement, est le souci principal du législateur.
Ce débat occulte le problème de l’égalité hommes- femmes dans la sphère privée.
Bien plus, tout se passe comme si la parité hommes-femmes dans le domaine public était le simple corollaire de la reconnaissance de l’égalité des sexes qui, trente ans auparavant, était l’enjeu du mouvement féministe et a été consacré: en 1967 par la loi Neuvirth légalisant la contraception et, en 1975, par la loi Weil sur l’interruption volontaire de grossesse.
C’est de cette époque qu’on date à bon droit la libération de la femme, dans la mesure où ces lois la rendent maîtresse de son destin dans sa vie quotidienne, dans ses choix de vie au même titre que l’homme, sur un pied d’égalité avec lui.
C’est à partir de ce moment que s’impose l’exigence d’égalité dans tous les domaines.
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D’un point de vue législatif : les avancées du droit dans la sphère privée ne font que prendre acte de cette égalité.
 
-1970 : Substitution du principe de l’autorité parentale à celui de l’autorité paternelle. La notion de chef de famille disparaît.
-1975 : Instauration du divorce par consentement mutuel.
-1983 : La notion fiscale de chef de famille est supprimée et la signature des deux conjoints est désormais prévue sur la déclaration des revenus.
-1984-1985 : Reconnaissance, puis renforcement de l’égalité des époux dans la gestion des biens des enfants et de la communauté.
-En 1992, instauration de peines aggravées pour les violences conjugales.
 
Dès lors la question se pose de l’inégalité des hommes et des femmes dans les rapports sociaux, qui se manifeste dans la vie professionnelle et la vie politique : S’agit-il de survivance idéologique, de résistance masculine ?
 
Or, voici le constat : la reconnaissance de l’égalité, l’évolution du droit dans la sphère privée n’ont pas supprimé les inégalités dans la vie quotidienne.
 
 
 
Etude de l’inégalité dans  la vie privée
        
 
En dépit des évolutions sociales, notamment la poursuite des études et la montée de l’activité professionnelle, les femmes assurent toujours l’essentiel du travail domestique. Celui-ci inclut diverses activités : tâches ménagères proprement dites, gestion des revenus et du patrimoine de la famille, éducation des enfants ou organisation de l’espace-temps familial.
 
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a) Le partage des tâches ménagères
 
Les tâches ménagères désignent les tâches d’entretien matériel des membres de la famille, du logement et de son équipement. Elles constituent l’aspect le plus visible parce que le plus massif du travail domestique. La mécanisation et la socialisation partielle de ces tâches en ont fait disparaître les plus astreignantes, les plus sales et les plus dangereuses. En ce sens, la charge quotidienne de travail domestique, dont les femmes ont supporté le poids des siècles durant et jusque dans les années 1950, s’est incontestablement allégée. Le raccordement des foyers sur les réseaux d’eau courante et d’eaux usées, de gaz et d’électricité, les appareils électroménagers comme le lave-linge hier, le lave-vaisselle aujourd’hui, dispensent les femmes de longues et pénibles tâches quotidiennes, de surcroît peu gratifiantes, ou les réduisent fortement. Le recul de l’auto-production alimentaire et vestimentaire, comme le développement de la restauration hors domicile (sur les lieux de travail ou d’enseignement) a produit des effets analogues de réduction de la charge domestique.
Mais, en dépit de ces progrès, c’est aux femmes qu’incombe l’essentiel de ces tâches ménagères d’entretien, malgré leur entrée massive dans le salariat.
Les tâches ménagères sont aussi inégalement réparties quant à leur nature. Bernard Zarca a pu ainsi distinguer trois grandes catégories de tâches.
Les « tâches féminines », prises en charge « quasi exclusivement par les femmes », comprennent notamment tout ce qui concerne le linge (lavage, repassage, raccommodage) mais aussi le nettoyage des sanitaires ; les hommes ne les assurent que dans moins de 5 p. 100 des cas, même s’ils peuvent y participer à titre secondaire dans 10 à 20 p. 100 des cas.
Les « tâches masculines », prises en charge « très majoritairement par les hommes », comprennent essentiellement le portage du combustible (bois, charbon, mazout), l’entretien de l’automobile (lavage, réparation) et le bricolage ; les femmes prennent cependant plus souvent ces tâches « masculines » en charge (dans 10 à 20 p. 100 des cas) que les hommes ne prennent en charge les tâches « féminines ».
Quant aux « tâches négociables », qui « continuent d’être prises en charge par une majorité de femmes, mais [auxquelles] plus d’un tiers des hommes, et parfois même plus des deux tiers [...] participent », elles regroupent notamment les courses, la cuisine, la vaisselle, le ménage, etc. ; « ces tâches peuvent être effectuées à égalité dans une proportion non négligeable de cas : jusqu’à 10,6 p. 100 pour les courses », alors que ce n’est le cas que dans une infime minorité (2 à 3 p. 100) en ce qui concerne les tâches « masculines » ou « féminines ». Seules certaines tâches « négociables » (la vaisselle, les courses, la cuisine) semblent avoir été un peu plus assumées par les hommes depuis les années 1970.
Cette division repose sur des oppositions qui véhiculent une image conventionnelle des attributs et vertus censés être spécifiquement masculins ou féminins. Aux femmes, les travaux « légers », supposant la maîtrise de savoir-faire traditionnels et/ou liés à la propreté (du lieu, des vêtements) ; aux hommes, les travaux de force ou supposant la maîtrise d’objets et d’instruments techniques modernes, et plutôt tournés vers l’extérieur. Tandis que les tâches féminines sont plutôt de l’ordre de la reproduction, impliquant la répétition périodique (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, saisonnière) des mêmes gestes et des mêmes opérations, avec ce que cela implique de routine, de sentiment d’ennui et même de vacuité, les tâches masculines sont davantage de l’ordre de la production, voire de la création, suscitant la fierté de soi et la reconnaissance d’autrui : le résultat d’un bricolage réussi est plus « visible » qu’un tas de linge repassé ou même un ménage bien fait. C’est au contraire lorsqu’il n’est pas fait ou mal fait qu’un « ménage » se voit... Évidemment, selon les milieux socioculturels, la division des tâches ménagères est plus ou moins accentuée. L’intensité de cette division varie aussi en fonction du niveau de formation des conjoints : plus celui-ci est élevé, plus les hommes acceptent de participer aux tâches « féminines » ou « négociables ».
En étudiant la gestion du linge par de jeunes couples partageant l’idéologie égalitaire, Jean-Claude Kaufmann est parvenu à mettre en évidence le processus de reproduction, en leur sein, de la division traditionnelle des tâches ménagères. Dans un premier temps, sous l’emprise de l’exigence égalitaire, ces tâches sont accomplies à tour de rôle par les deux conjoints. Rapidement, cependant, un autre partage intervient, chacun des conjoints délimitant un « territoire personnel », un ensemble de tâches ménagères dont il prend la charge : à l’un la cuisine, à l’autre le ménage, etc. Le passage d’un partage à l’autre s’accomplit sous la pression de l’inégale disponibilité des conjoints selon les différents moments de la journée ou de la semaine ; mais aussi et surtout selon des inégalités de compétence et plus encore d’exigence de chacun en matière de tâches ménagères, héritées de leur histoire réciproque.
Or ces héritages ne sont pas les mêmes pour un homme ou une femme : par son éducation, une femme est généralement plus apte à accomplir la plupart des tâches ménagères qu’un homme, tandis que l’accomplissement de ces tâches lui paraît simultanément plus important ou plus urgent qu’à son conjoint. En conséquence, elle aura plus tendance à se charger de ces tâches, aussi bien parce qu’il lui en coûte moins de les accomplir que parce qu’elle les jugera plus nécessaires mais aussi mieux accomplies par elle. Et l’homme s’en déchargera pour des raisons inverses des précédentes. Ainsi s’insinue progressivement une division inégalitaire des tâches domestiques.
 
 
 
b) La prise en charge des enfants
 
Elle recouvre les soins donnés aux nourrissons, la garde des enfants, la surveillance de leurs devoirs et leçons quand ils sont scolarisés, la participation à leurs jeux intérieurs et extérieurs, les promenades et sorties avec eux, etc. Les pères consacrent en moyenne à peine une vingtaine de minutes par jour à leurs enfants, les mères actives s’en occupent pendant près d’une heure et les mères inactives plus de deux heures. Cette inégalité se confirme lorsqu’on détaille les différentes tâches qu’implique cette prise en charge. La garde des enfants en bas âge non scolarisés, quand elle n’est pas prise en charge par une structure collective ou un tiers, incombe encore quasi exclusivement aux femmes. De même, ce sont le plus souvent elles qui les gardent lorsqu’ils sont malades. Cette situation les conduit fréquemment à rogner sur leurs jours de congé. Comme si, une fois de plus, l’activité professionnelle de la femme et les enjeux qu’elle représente restaient en définitive secondaires au regard de sa mission maternelle. Ce sont également les mères qui se chargent essentiellement de l’aide au travail scolaire de leurs enfants. Elles y consacrent en moyenne deux fois plus de temps que les pères. C’est aussi la mère qui, beaucoup plus fréquemment que le père, prend contact avec les enseignants. Là encore cependant, il existe d’importantes différences entre les milieux sociaux : c’est chez les ouvriers et les agriculteurs que le père rencontre le moins souvent les enseignants.
 
c) Le pouvoir au sein du couple
 
La structure du pouvoir aujourd’hui majoritaire au sein des couples apparaît peu égalitaire. L’homme y reste en position dominante. Certes, il partage le plus souvent la fonction de direction avec sa conjointe. Cependant, il continue à soustraire du champ de compétence de cette « direction collégiale » les décisions concernant son activité professionnelle propre, alors qu’à l’inverse, dans la majorité des cas, il continue à prendre part aux décisions concernant l’activité professionnelle de son épouse.
Les dépenses importantes seraient engagées après discussion collective, les arguments du mari l’emportant le plus souvent. L’épouse gérerait plutôt les petites dépenses au quotidien (nourriture, services, vêtements, loisirs, etc.). Surtout, l’homme parvient visiblement à se décharger sur son épouse d’une bonne partie des activités d’intendance et d’entretien. Autrement dit, si la direction est désormais le plus souvent collégiale, l’intendance et la « production » restent encore essentiellement l’affaire des femmes. Et c’est bien en cela qu’elles continuent à être dominées.
Différents facteurs sont susceptibles de favoriser un rééquilibrage du pouvoir domestique en faveur des femmes : l’entrée dans le salariat, un bon diplôme, une position favorable dans la hiérarchie socioprofessionnelle. Inversement, la présence d’enfants semble favoriser le maintien ou l’introduction d’un partage inégal du pouvoir.
Les femmes qui ont pris une part active au processus de « libéralisation » des relations conjugales, en sont aussi les principales victimes. Cela apparaît notamment quand on envisage les conséquences inégales de la séparation, toujours plus lourdes pour les femmes que pour les hommes. Dans ce cas, en effet, la garde des enfants leur est confiée neuf fois sur dix, ce qui entraîne une dégradation de leur situation matérielle et financière, mais aussi de leur situation relationnelle (notamment quant à la possibilité de reformer un couple).
On voit là comment une avancée sur un plan (une plus grande autonomie dans les relations conjugales), couplée avec le maintien des relations inégalitaires (l’assignation des femmes à l’ordre domestique, en l’occurrence à la garde des enfants), se traduit en définitive par une dégradation ou, du moins, une fragilisation de la situation des femmes.
 
 
Conclusion
 
L’enjeu d’un rééquilibrage total dans la division du travail domestique est  fondamental. Il y va en effet de l’identité même des hommes comme des femmes, identité qui s’est précisément définie dans et par des modèles familiaux fondés sur cette division traditionnelle. Les acteurs du couple contemporain sont traversés par la contradiction entre leur exigence d’égalité, qui plaide en faveur de l’abolition de la division sexuelle du travail domestique, et leur identité personnelle, reposant en partie sur cette division.
 
Quoi qu’il en soit, la division sexuelle du travail domestique est bien le nœud de toutes les inégalités entre hommes et femmes. Couplée avec la maternité dont elle renforce le poids, elle fait obstacle sinon à l’entrée et au maintien des femmes dans le salariat, du moins à un investissement professionnel des femmes équivalent de celui des hommes, et, partant, à des carrières professionnelles aussi prestigieuses ou continues que celles des hommes.
Plus fondamentalement encore, en maintenant des rapports inégalitaires au sein de l’espace familial dans lequel se façonne très tôt l’identité sexuelle des individus, cette division renforce des modèles inégalement valorisés et valorisants de l’homme et de la femme, conduisant non seulement les jeunes filles à intégrer très tôt l’idée que, en dépit de tout, l’essentiel des tâches domestiques leur reviendra en lot conjugal, mais encore à adapter en conséquence leurs ambitions scolaires et professionnelles. C’est bien en définitive dans les rapports conjugaux et familiaux, sous couvert de l’amour, que continue à se reproduire, aujourd’hui comme hier, l’inégalité fondamentale entre hommes et femmes.
 
Il y a sans doute une raison profonde à cette reproduction de l’inégalité de l’homme et de la femme sur la base de leurs rapports au sein de la famille, dans la vie domestique.
Tâches ménagères proprement dites, gestion des revenus et du patrimoine de la famille, éducation des enfants ou organisation de l’espace-temps familial, toutes ces activités représentent une somme de travail énorme, qui dépasse en importance celle qui est mesurée annuellement par le P.I.B.
La famille, avant d’être le nœud d’une relation biologique et affective, constitue une économie domestique, qui est jusqu’alors restée invisible, parce qu’elle est exclue d’un système qui ne reconnaît comme activités sociales que les activités salariées productrices de richesse.
Tant que ces activités non productives ne sont pas intégrées dans l’économie générale de la société au titre de richesse sociale ( partie du PIB) , la femme est destinée à rester le prolétaire de l’économie domestique.
 
 
 
 
 
 
 
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