Vivre
Nous vécûmes si longtemps
Que la terre était devenue notre habitude
Le Jardin innocent béni de sapins bleus
Les armées de thuyas descendant vers la plaine
Les épées des iris plantées comme des veuves
Les diamants des dahlias aux soleils éclatés
Et les tamaris mauves
et le houx hérissé
Puis
Le jardin jauni des prières d'automne
Il ne faut point chercher le vert
Ailleurs que dans les pommes
Nous vécûmes si longtemps
L'émotion tendre et grise de tant de tourterelles
Quand la ruée des ailes ameute le silence
Les oiseaux dans les branches multiplient les départs
Et nos doigts sont avares de l'écorce de l'arbre
Les roses osent à peine allonger leurs phalanges
Le ciel éclate de bourdons
Nous vécûmes si longtemps
Que la terre était devenue notre habitude
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